Dans l'après-midi, toujours filé par des individus se voulant furtifs...

... Grage entre dans le quartier des indépendants depuis le Quartier des Arènes. Il est parfois salué par des passants qui prennent bien garde à rester à distance : plus de cinq mètres.

Pendant sa marche récréative, le massif léodra laisse couler le fil de ses pensées à la recherche de plans et de solutions plus compliqué les unes que les autres, sans vraiment penser aux conséquences de chaque.

Puis, une interrogation majeure demeure. S'il suffisait de quitter la ville pour mettre un terme aux filatures. La simplicité de cette éventualité fait sourire le noiraud qui s'offre le luxe, avant que les boutiques ne ferment, d'aller chez un scribe.

Toujours suivi à distance par quatre humains dans la rue, un guerrier spirituel sur les toits et une menace invisible, Grage finit par trouver l'échoppe d'un scribe.

Échoppe dans laquelle le solitaire entre si celle ci est ouverte dans le but d'écrire quelques lettres. Le guerrier reste sur ses gardes, vigilant tant à se qui se passe à l'intérieur de la boutique, cherchant à conserver un œil sur l'extérieur si des fenêtres donnent vue sur la rue.

L'échoppe est de petite taille : manifestement une salle principale reconvertie d'une maisonnée. Les fenêtres sont garnies de barreaux métalliques et de parchemin huilé : au mieux, Grage pourra distinguer des silhouettes au travers. La porte est en bois renforcé de métal, fermée. Il faut frapper pour pouvoir entrer, comme un peu partout à Tradisgantia. Seuls les inconscients et les téméraires laissent leur porte ouverte, même lorsqu'on tient une boutique.

Une fois que le massif homme-lion a frappé, indiqué son désir d'être client aux yeux qui se sont encadrés dans le judas et montré qu'il a de quoi payer, la porte est enfin entrouverte juste assez pour pouvoir le laisser passer. Puis refermée et verrouillée aussitôt par un trentenaire assez malingre au crâne et au visage bien rasé.

Si rien ne le retient, il va aussitôt se replacer derrière une simple table sur laquelle est installé encriers, plumes, ciseaux et rouleaux de parchemin. Et il s'y assied sur la seule chaise disponible, attendant la commande de son massif client velu.

Après avoir montré sa bourse d'occasion, effectué son inspection de la pièce intérieure et affiché une attitude cordiale, le jeunot observe les faits et gestes du trentenaire. Une fois que celui ci est assis, le shaloar annonce avec un aplomb martial.

" Salutations. J'ai 3 courriers à rédiger. Ici. Combien ? "

Le chauve répond d'une voix morne :

"Salutations, Sauveur.

Le nombre de courriers importe peu. C'est 2 Mornifles la ligne."

Et il déroule un parchemin qu'il cale avec certains de ses ustensiles, puis rapproche de lui un encrier et se saisit d'une plume.

Le shaloar regarde l'homme faire sans se démunir, laisse passer un silence pour que le scribe lève la tête et annonce d'une voix assurée, sans hausser le ton :

" J'ai dit trois courriers à rédiger, pas trois courriers à te faire rédiger. "

Puis les réactions de l'humain sont observées.

Le scribe est resté le regard baissé. Une fois que Grage a fait son annonce, il répond de sa voix trainante et sans entrain :

"Alors tu connais la sortie, Sauveur. Je ne suis pas un marchand de parchemin, de plumes ou d'encre."

Acceptant volontiers la remarque de l'humain, le shaloar reprend d'un ton calme, sans chercher à s'imposer.

" Certes. Mais chez les vendeurs de parchemins, d'encre et de plume, on ne peut pas s'installer pour écrire. Quoi que..."

Le massif poilu réfléchit quelques instants, avant de reprendre posément

" Fais moi un prix pour que je puisse écrire en bénéficiant du confort de ta table. Et si un client entre et souhaite bénéficier de tes services, alors je laisse la place en terminant ma phrase et en payant mon du. Cela te convient-il ? "

Toujours aussi morne et le regard baissé, le scribe répond de sa voix lente :

"Non, Sauveur. Ta présence peut effrayer mes futurs clients.

Si tu n'as pas de lignes à me faire écrire, je te prie de retourner dans la rue."

Le noiraud, bien dressé du haut de sa stature, toise l'humain un très bref instant avant d’enchaîner d'un trait :

" La courtoisie de ta franchise me plait. Salut. "

Puis l'ex champion tourne les talons tout aussi rapidement et s'en retourne dans la rue rapidement, les sens toujours à l’affût et curieux de savoir si certains de ses poursuivants se sont approchés pour tenter d'écouter la conversation.

Manifestement non. Mais chacun des fileurs est toujours présent : Grage pourra déceler leur présence de ses sens ou de son instinct... toujours à une distance prudente d'au moins vingt mètres.

Le massif guerrier prend son pas rapide pour compliquer la tache à ses poursuivants, ce qui n'est pas sans provoquer un amusement intérieur, amusement qui n'affecte en rien la vigilance du solitaire. La direction prise est celle de la porte nord de la cité.

Grage laisse tomber son idée première, la seule préoccupation est d'être après le crépuscule au point de rendez-vous, l'itinéraire approximatif commence à se dessiner dans sa tête. La seule inconnue étant, le poursuivant invisible continuera t'il sa filature une fois les portes de la cité franchies.

Et une longue filature multiple se poursuit.

Grage finit par arriver aux abords de la porte nord après avoir suivi la frontière du quartier des indépendants. Le guerrier spirituel estime qu'il a encore deux bonnes heures avant que la nuit s'installe. L'ensemble de ses poursuivants sont toujours à sa suite, maintenant leur distance habituelle.

Deux bonnes heures laissent au noiraud le temps de franchir les portes et de quitter la cité, direction plein nord. Toujours de son pas rapide, le massif poilu estime que, parmi ses poursuivants, nombreux sont ceux qui vont rester dans la cité. L'interrogation majeure réside dans le poursuivant invisible.

Dès que les murailles seront franchies, le guerriers continu sa progression en observant la topographie de son environnement.

Conformément aux prévisions du massif Léodra, les poursuivants cessent leur filature dès que Grage s'engage sous l'arche de la porte nord. Une fois la dizaine de mètres à travers la muraille passée, l'homme-lion se retrouve à l'extérieur de la ville. Son instinct lui souffle que la menace invisible continue de le suivre...

Suite sur la Droite-Route