En fin d'après-midi, Grage entre dans le quartier des indépendants.

Conservant sa position fièrement tranquille, le Kerlèksèss répond alors :

"Si j'en crois votre allure démonstrative, elle est aisée à remarquer. J'en déduis que Jérémiah en a tenu compte et qu'il a prévu que vous pourriez être suivi. D'où le choix de ce lieu. Si vous vous y rendez, vous constaterez que vous ne pourrez pas y surveiller vos prédécesseurs."

Il laisse quelques brefs instants s'écouler, avant de reprendre la parole, toujours aussi peu démonstratif :

"Seriez-vous venu uniquement pour m'entretenir de vos projets de rencontre ?"

" Non. Enfin, oui et non. "

Répond le Léodra en quête de sincérité.

" Je suis venu vous apporter des nouvelles de Kajira, en premier lieu. Cela me semblait important. Enfin, votre personne est importante à ses yeux.

J'en ai profité pour vous poser la question de ce lieu. Autant joindre l'utile à l'agréable. "

Puis le guerrier semble comprendre la formulation polie de mettre un terme à l'entretien.

" Je vais m'occuper de la suite.

Ah.. Une dernière. Apparemment, y a plus d'espions autour de chez vous. Est-ce un mauvais signe ? "

L'insectoïde assis reste sans mouvement et répond sans attendre :

"Nul ne saurait le dire.

Bon nombre de client importants viennent visiter ma boutique, et il est coutumier que des seconds couteaux viennent tenter de tendre une embuscade ou au contraire de nettoyer les rues environnantes. Les parfumeurs de cette rue se sont accordés pour financer une petite troupe chargée de nettoyer notre rue des cadavres qui s'y amoncellent parfois."

Il laisse quelques courts instant passer avant d'ajouter :

"Ne soyez pas alarmé. Mes habitudes de comportement divergent des votres. Sans doute mes antécédents d'insecte.

Aussi je tiens à vous préciser que votre compagnie ne m'est nullement désagréable. Alors si vous avez d'autres détails à me formuler..."

Les yeux se plissent et une once de méfiance peut se deviner sur le visage du carnassier. Le parfumeur possèdent-ils les même dons que les Kosrusi pour deviner les pensées ? A l'évocation de cette possibilité, l'esprit de l'ex lieutenant se ferment dans une dernière pensée :' Tu as de la chance d'être le tonton de Kajira. ' Pendant que cette phrase est clairement pensée, le massif guerrier reste observateur des réactions de son interlocuteur avant de reprendre sur la réserve.

" Je ne souhaite pas en dire d'avantage. Et si Jérémiah ne l'a pas encore fait, c'est qu'il y a une bonne raison. Certainement pour votre protection, ou la sienne. Aussi, je vais prendre congé.

En vous remerciant pour cet échange et votre confiance."

Sur cette dernière parole, le sauveur se lève dignement et commence à enfiler casque et gant, toujours dans l'observation et un vide dans ces pensées.

Pendant que le jeune Shaloar attend une réaction, aucune n'est discernable sur le faciès insectoïde.

Et après la dernière intervention orale de son invité félin, le Kerlèksèss pousse aussitôt une courte stridulation aigüe qui finit dans le grave. Et il se reprend en prononçant :

"Soit. A votre guise.

Je vous remercie néanmoins de votre visite. Elle me permet pour le moins de dissiper de sombres appréhensions."

Il se lève alors en plaçant ses deux mains droite sur le cœur et en s'inclinant par la suite. Il se redresse, joint toutes ses mains devant lui et prononce :

"Mon garde du corps vous attend près de la sortie. Vous pourrez y récupérer vos armes, Sauveur de la Cité."

Et il attend, debout.

Le salut de l’insectoïde interpelle le shaloar qui se redresse plus dignement, et rend une brève inclinaison tout aussi sérieuse que respectueuse, tout en conservant le vide dans sa tête.

D'un pivot martial, l'invité se dirige vers la porte et, avant de l'ouvrir, retourne simplement la tête en direction du parfumeur.

" Ah, si jamais vous avez des nouvelles de cette flûte qui a été perdue. Faite le moi savoir. Si c'est un malandrin, je la récupérerais d'une façon, ou d'une autre. Ce n'est peut-être qu'une babiole pour casser les oreilles, mais il semble que cet instrument avait une valeur autre.

En attendant, je lui en ai trouvé une, mais elle n'est qu'en os.

Merci pour elle. "

Puis, sans attendre de réponse, le prédateur se décide à ouvrir la porte et faire chemin vers la sortie. En route, les femmes seront à nouveau brièvement saluées de la tête.

L'insectoïde reste debout, immobile et silencieux, pendant le départ de Grage.

Toujours seules dans leur grande pièce, les deux jeunes femmes saluent en retour le jeune Shaloar. L'une d'elles s'incline respectueusement tandis que l'autre agite la main en souriant. Et dans la pièce d'entrée, attend le Semi-Géant en armure. Qui indique les armes de Grage de sa main libre, le laissant en disposer.

Le sauveur se saisit de ses armes par les lanières, toujours dans des gestes lents et mesurables par le vigile. Une fois toute la panoplie ajustée correctement, le porteur de l'épée légendaire fait un hochement de tête pour signifier qu'il est prêt au départ.

Et avant l'ouverture de la porte, le shaloar gronde dignement :

" Bonne garde, Jjromsk. "

Les sens sont à l’affût, tout comme le sortant est prêt

Une fois le Shaloar prêt à partir, Jjromsk va défaire les deux barres de métal et déverrouille la porte. Il l'ouvre ensuite assez grand pour laisser sortir un Léodra. Et il dit de sa voix grave, avec sincérité :

"Bonne route, Sauveur de la Cité."

Le comportement du massif sortant est fait pour faciliter le travail du vigile.

Une fois dehors, le Léodra trace de son pas rapide en direction d'une armurerie dans le quartier des indépendants, curieux de vérifier si l'accueil qui lui sera réservé sera le même que dans son armurerie du quartier des arènes. Après tout, le vendeur d'arme pleurnicheur est peut-être un cas isolé qui s'est trop vanté de connaitre l'ex-lieutenant.

Vif, vigilant, le Léodra veille à ne pas faciliter la tache ses poursuivants.

Sur sa route, le fier Léodra repère immédiatement le balafré qui commence à lui emboiter le pas et aussitôt après les trois autres suiveurs qui n'ont que peu d'opportunités de se cacher devant chez le parfumeur. Les fileurs sont rapidement obligés de courir par à-coups.

L'Œil du Gardien est descendu dans le ciel. Grage a maintenant moins d'une heure avant le crépuscule.

Mais il finit par trouver une échoppe vendant armes et armures.

Comme c'est bientôt le crépuscule, il reste peu de temps pour le jeune et massif marcheur pour satisfaire sa curiosité.

Si la boutique d'armes est encore ouverte, le shaloar entre en saluant d'un geste économe de la tête, puis entre et observe, observant autant la boutique que les réactions des occupants.

Dès que le massif Shaloar passe la porte d'entrée, il peut jeter un œil sur l'intérieur de la boutique. Mais tout d'abord, il remarque la présence de deux vigiles, un de chaque côté de la porte. Ils sont tous deux humains, d'une taille légèrement supérieure à la moyenne et donc petits par rapport au Léodra noir, porteurs de cataphractes complètes et armés de masses et d'épées courtes. Les deux gardiens en armure d'écailles se reculent instinctivement d'un pas à l'entrée de Grage, la mine surprise.

Le tenancier se tient derrière son comptoir, la mine ébahie dès qu'il aperçoit son client. Il se reprend vite, joint ses mains en souriant et salue l'homme-lion noir d'une rapide inclinaison du buste. Aussitôt après, il demande d'une voix obséquieuse :

"Que puis-je pour vous, ô Sauveur de la Cité ?"

Après avoir salué les deux vigiles, et effectué son bref panoramique, le shaloar reste sérieux et observateur même si, visiblement, il se fait caresser dans le sens du poil avec un accueil apprécié.

" Mes respects, Marchand.

Je n'ai pas l'habitude de venir faire mes emplettes dans ce quartier. Y voyez vous objections ? "

Dignement interrogatif, le Léodra s'approche du comptoir en conservant les mains bien visible, avec des gestes mesurables pour tout guerriers.

"Oh mais bien sûr que non !", assure l'obséquieux marchand semblant un métis eurasien, qui s'incline tout en répondant, les mains jointes.

Sitôt que le massif Léodra est entré, les deux gardes retrouvent une attitude droite et digne, en attente comme à la parade.

" Bien. "

Répond le massif guerrier.

" Je vais sortir une arme pour vous la montrer. Voyons si vous savez être convaincant pour me donner envie de revenir. "

Annonce le Shaloar qui se saisit de la hachette de Vivien Triple Étreinte. L'arme est attrapée par le fer et tendu au marchand par la garde dans un geste lent et pacifique.

" Combien m'en proposez vous ? "

Le sauveur reste observateur des réactions.

L'armurier s'incline avant de tendre les mains pour prendre cérémonieusement la hachette. Il commence par la regarder rapidement dans son ensemble, la soupeser puis il observe attentivement le fil de l'arme. Enfin, il dépose précautionneusement la hachette sur le comptoir.

Il joint ses mains et déclare obséquieusement vers Grage :

"C'est une arme simple et de belle qualité, avec seulement quelques traces d'usure.

Je vous en offre 30 Besants."

Le solitaire se redresse, sérieusement réflexif car li doit compter dans sa tête pour ne rien laisser paraître au marchand. La calcul mental est vide abandonné, l'usage des mains est requise. Aussi, après ce court temps de réflexion, le sauveur reprend :

" Un rendez-vous m'oblige et je suis au regret de ne pouvoir honorer vos talents comme il se doit, marchand. Rajoute moi une pierre pour affûter mes armes et l'affaire est dans l'sac. "

Le ton sérieux est presque amical et peut porter à croire que le massif guerrier est, sur l'instant, satisfait.

Souriant, le marchand s'incline. Puis il s'éloigne et quitte la pièce en passant de l'autre côté d'un rideau de perle. Il revient peu de temps après avec un petit plateau sur lequel est déposé trois piles de dix pièces rondes de cuivre et une pierre d’affûtage.

Le petit plateau est déposé sur son comptoir. Il s'incline brièvement et attend ensuite, toujours souriant.

Au regard de la réaction rapide du marchand, le solitaire pense qu'il s'est fait berner et que la marchandise en valait au moins le double. Peu importe, cela comblera un peu les dépenses.

La somme totale est prise, sans prendre la peine de vérifier, pour la placer dans la petite bourse. La pierre d’affûtage est rangée dans le sac.

Cela fait, le shaloar salut brièvement le marchand avant de sortir en grondant :

" A la prochaine. "  

En sortant, les deux gardes seront salués eux-aussi.

Les deux gardes, un peu raides, saluent le digne Shaloar d'un geste militaire et le laissent passer.

Grage se retrouve donc une nouvelle fois dans la rue, qui semble commencer à se faire vide. Et qui lui permet de rapidement repérer ses trois suiveurs qui ne se montrent pas aussi évidents que le balafré, également présent.

Le massif arnaqué n'a que peu de temps pour aller à son lieu de rendez vous. L'allure est donc vive et soutenue d'abord, en direction du nord dans le quartier des indépendants. Cette brève promenade n'a qu'un seul but, sélectionner le terrain propice pour semer ses poursuivants avant de tracer en direction du quartier des arènes. Le solitaire commence aussi à connaitre les capacités de ses poursuivants, ce qui va aider à la manoeuvre.

Le shaloar ne se leurre pas, les grandes famille possèdent de nombreux moyens, mais il n'y a pas de raisons pour faciliter la tâche des hommes de main.

Une fois le terrain propice sélectionné, l'homme lion commence son exercice physique : sprint, passage par les toits, passage par des ruelles malfamées, tout les moyens sont bons.

Un fois certain que ses poursuivants sont largués, et pour changer ses habitudes, le sauveur avance de son pas vif en faisant une entrave rapide et en lisière par le quartier Tekelitt, histoire de ne pas être vue de la berge. Les hommes de main de cette famille n'ont jamais manqué de respect et toujours salué l'ex lieutenant. Et comme il n'y a que quatre poursuivants, il y a bien une famille qui n'éprouve pas le besoin de suivre le vif marcheur.

La destination sont les rues du quartier des arènes qui ne sont pas immédiatement proches au nord-ouest.

Après le sprint et le passage par les toits, suivis par la traversée de ruelles mal famées, Grage se retrouve sans suiveurs. Il quitte ensuite rapidement le quartier des indépendants en passant par la bordure du Quartier Tékélitt.

Suite dans le Quartier Tékélitt