Grage arrive de nuit par une venelle aux abords du Quartier Sarzano.

Habitué aux procédures militaire, le shaloar suit le mouvement au moment opportun, patiente au moment opportun, dans le silence.

La hauteur correspond au chemin aller, l'ex-lieutenant n'a plus de doute, c'est le chemin de la sortie. La question étant, pendant combien de temps le Léodra va survivre maintenant.

Grage constate qu'il est laissé seul en compagnie des six hommes d'armes. Qui le reconduisent jusqu'à la salle d'entrée. Avant que la porte intérieure ne s'ouvre, le Shaloar a pu entendre des grands éclats de rires graves émaner de l'autre côté. Déjà bien assourdis, sans doute par l'épaisseur des murs et des portes.

L'un des deux guerriers en tête frappe quelques coups sur l'un des panneaux de la porte de séparation. Les rires se stoppent nets. Puis les deux battants s'ouvrent, chacun tiré par un Semi-Géant en armure complète. Le troisième Semi-Géant finit de se diriger vers la porte d'entrée du bâtiment.

Le massif invité commence à comprendre la farce dont il vient d'être victime. Sa nature de prédateur voudrait qu'il se mette en rogne, et pourtant, le noiraud trouve que la blague est de bon ton pour la majorité des représentants de la sous race qui ne peuvent que jalouser les différentes mises à l'honneur des Léodras représentés en différents endroits.

Et le blagueur velu vient d'être victime d'une mauvaise blague, très mauvaise. Une famille infiltrée qui se rie d'un messager... les conséquences ne seront pas funeste que pour le sauveur de la cité.

Aussi, le massif guerrier arbore un sourire en coin, carnassièrement amusé par l'ironie du sort. L'aplomb martial est conservé, l'attitude pacifique aussi.

Au fond de la pièce, le Semi-Géant armuré ouvre légèrement un pan de la double-porte de sortie. Juste de quoi permettre la sortie du Shaloar.

Dans le couloir, les hommes d'armes qui précèdent Grage s'écartent un de chaque côté, et s'arrêtent avant la porte mitoyenne dont chaque battant est tenu par l'un des Semi-Géants les plus proches.

Le message est clair, et le shaloar sort par la porte entre ouverte toujours avec la même attitude. Le sourire en coin carnassier s'estompe au fil des pas.

Alors qu'il sort, le Léodra noir peut voir dix gardes s'approcher depuis une cinquantaine de mètres tandis que dix autres, derrière, restent à l'arrêt, proches de l'issue du bâtiment qu'ils protègent.

Dès qu'il a dépassé le seuil du grand bâtiment qu'il quitte, la porte se referme derrière lui. La dizaine de lanciers, ayant également épée et bouclier, se rapprochent à petite foulée, ordonnés.

Autour plusieurs groupes plus éloignés d'une vingtaine de gardes lèvent légèrement le regard et plissent les yeux pour observer le Shaloar. Un serviteur sort d'une grande bâtisse éloignée, faisant partie du pourtour, et court vers un autre endroit, situé à droite et derrière Grage, donc caché par le bâtiment imposant sur lequel il se trouve.

Dès qu'il est sorti, le Léodra prends la direction des dix gardes qui trottent dans sa direction. L'allure digne, à la fois martiale et pacifique.

Ensuite, le solitaire prendra la position au sein du groupe de lanciers retardataires pour en suivre le leader.

Dès qu'ils ont rejoint l'homme-lion, les lanciers font demi-tour et l'accompagnent jusqu'à la porte. Pendant le temps de leur approche, plusieurs gardes ont retiré des tiges de métal servant à bloquer la porte. Et peu de temps ensuite, ils ouvrent l'un des battants de la porte.

A partir du trajet en intérieur, seuls quatre gardes accompagnent le Léodra noir. Deux devant. Deux derrière. Ils suivent le même trajet qu'à l'aller en sens inverse. Jusqu'à arriver dans la grande pièce en 'U' contenant la porte de sortie.

Là, Grage distingue dix soldats sur sa gauche, dans le renfoncement d'une des branches du 'U'. Sept sont assis sur des bancs contre le mur le plus éloigné de l'entrée centrale, certains discutant à voix basse. Trois le regardent passer, debout, lance en main, fer vers le haut mais éloignés de plus de cinq mètres.

Un des gardes assis se lève et court jusqu'à la porte, arrivant avant l'escorte du Shaloar. Il sort une clé et ouvre, avant de tirer à lui le vantail portant la serrure.

Comme le chemin est fait en sens inverse, Grage se stoppe à l'endroit ou il a donné ses armes. Puis, silencieusement, et toujours avec une attitude pacifique, le sauveur de la cité attend dignement.

Dès que Grage s'arrête, les deux gardes derrière lui s'arrêtent également. Les deux qui le précèdent font encore deux-trois pas avant de noter la différence de bruit. Alors, le garde le plus proche de la porte du dépositaire des armes va la frapper. Aussitôt la porte s'ouvre. Le garde désigne le Shaloar noir de son pouce :

"Ses armes..."

Le préposé hoche la tête et revient peu après avec toutes les armes fournies par le Léodra. Qu'il tend avec une rigueur martiale à l'homme-lion.

Sitôt que Grage a repris possession de ses armes, le groupe reprend sa marche et finit par arriver à la salle en 'U'. Où se déroule ce qui est mentionné plus haut...

Les armes sont vérifiées avant d'être ajustées sur le guerrier qui suit le mouvement jusqu'à la sortie. Le Léodra ne fera pas d'histoire parmi les simples exécutants qui l'entourent. Un hochement de tête martial envers le plus haut gradés sera la signe du départ et que les portes peuvent être ouvertes.

Le mode vigilance accrue reprend ses droits avant le premier pas dehors.

La porte s'ouvre et le jeune Shaloar constate que la rue est vide. Heureusement, ses yeux s'adaptent au manque de lumière environnant alors que l'endroit où il se trouve est brillamment éclairé.

Rapidement, il détecte le combattant asiate qui était son guide. Ce dernier commence à bouger depuis son appui contre un mur dans une rue transversale. Il marche d'un pas tranquille en direction du massif Léodra noir.

Le massif guerrier se dirige vers l'asiate dès qu'il le perçoit. Sérieusement embarrassé par la situation, le pas reste martial et assuré. Avec un sourire carnassier, l'ex lieutenant s'adresse à son guide en s’arrêtant devant lui d'un ton mi respectueux, mi cynique ::

" Tu avais raison à mon entrée. La situation est plus préoccupante que prévue. Ton souhait est exhaussé et tu as le loisir de pouvoir contempler mes restes... "

Sans vraiment attendre de retour, le sauveur s’apprête à emboîter le pas du moustachu.

Lors de son approche, un grand sourire vient orner le visage du guerrier. Une fois à trois mètres, l'asiate stoppe sa progression et s'incline brièvement devant le Shaloar.

Il écoute les paroles de Grage sans perdre son sourire. Et il répond sur un ton désinvolte :

"Des restes en un seul morceau et capables de s'exprimer. J'en suis grandement étonné. D'autant plus que le passage au sein des Demeures Luminescentes s'est révélé plutôt court..."

Tout en enfilant son casque et ses gantelets qui étaient accrochés à la ceinture, le shaloar adresse un bref sourire carnassièrement amusé, façon exagérée, juste après avoir entendu que ses restes étaient capable de parler. Ensuite, la réflexion est poignante sur le visage du messager qui regarde le décor autour de lui à la recherche de quelque chose tout en répondant posément :

" Je présume qu’il serait étrange pour ceux qui, constamment me suivent, de me voir disparaître dans ton quartier alors que je suis présenté comme porteur d'un message qui concerne la famille.

Et pour ne rien te cacher, je ne comprends pas pourquoi j'ai été reçu de la sorte. Je suis sans intentions de nuire, au contraire. Ou alors, c'est que le sujet est bien plus important que je ne puise le penser, et que certains membres en ce lieu ont tout intérêt à ce que le haut patriarche ne le reçoive pas, ou en différée car, quoi qu'il m'arrive, il l'apprendra. Le plutôt sera le mieux, j'en suis convaincu. "

L'asiate indique alors de sa main libre la direction du nord, en suivant les rues. Puis il s'apprête à avancer, ne démarrant sa marche que lorsque le massif Shaloar aura commencer à avancer dans la direction indiquée.

Au bout de quelques pas, il déclare tout en avançant, toujours aussi souriant :

"Serait-il outrecuidant de demander ce qu'il s'est passé au sein des Demeures Luminescentes ?"

L'ex invité à un très bref mouvement de tête en signe d'acquiescement avant de prendre la direction qui lui est indiquée. Progressant à la vitesse normale d'un humain, le massif Léodra laisse ses mains et bras en évidence. A la question posée, la réponse est quasi spontanée :

" Pas le moindre. La rapidité de l'acceptation de ma demande par la garde de premier rang m'a quelque peu surpris. J'ai été accompagné dans une pièce ou des ... "

le shaloar se retient d'utiliser le mot laquais car les apparences peuvent être trompeuses.

" ... quelques personnes en pagne ont jouté de quelques paroles qui n'étaient que de vaines tentatives d'humiliations. . "

Conservant son sourire, l'asiate hoche lentement la tête. Puis il demande de son ton agréable et interrogatif :

"Si la tentative d'humiliation était vaine, qu'est-ce qui a poussé à une rencontre aussi courte ?"

Le massif Shaloar reconnait instinctivement la vigilance de l'orateur à ses rapides coups d’œil changeants sur les alentours et sur son interlocuteur.

Le champion de l'arène hausse les épaules avec une moue du visage pour souligner, à nouveau, l'incompréhension de la situation racontée.

" Je ne sais pas... J'ai choisi de faire silence dès l'entente des premiers propos. Des premiers propos qui méritaient largement une ferme remise en place de la mâchoire, du genre qui incite le receveur à la réflexion avant l'expression. Les autres étaient simplement méprisants dans la formulation, une formulation étrange d'ailleurs..

Aucun de ces hommes en pagne n'a été capable de comprendre ce que toi tu as compris, puisque tu m'as laissé passer."

Le shaloar prend une grande inspiration avant d'expirer les dents serrées. Le regard du carnassier pivote vers celui de l'asiatique. Un regard qui exprime maintenant une colère contenue, une détermination à poursuivre ce qui n'a pu aboutir alors que les faits gestes sont pacifiques. L'homme lion s'exprime dents serrées, à faible volume.

" La famille historique de la citée risque une réelle déconvenue. Pourquoi cela ne me surprend qu'à moitié après l’accueil qui m'a été réservé ! Je n'ai, à ce jour, jamais été victime de mon esprit de loyauté.   "  

L'asiate perd alors son sourire pour prendre une mine réfléchie, se tient le menton un court instant après les paroles de Grage. Il finit par répondre en souriant, ramenant sa main gauche le long du corps :

"Le métier des armes crée des liens, une compréhension qui se passe de mots. Sans doute ceux-ci n'avaient-ils pas cette formation ?

Et dans ce cas, quelle formation auraient-ils qui feraient défaut à ceux qui ne sauraient les passer ?

Alors, telle est la réception des visiteurs nocturnes. Elle est bien différente de celle des visiteurs diurnes."

Puis il se tait, reprenant sa surveillance des alentours et de son compagnon, conservant son sourire.

L'ex lieutenant opine lentement du chef à plusieurs reprises, marquant sa compréhension. Puis, se rappelant les propos du Crotal, l'homme lion reprend la parole conservant l'attitude pacifique, les dents maintenant desserrées

" Mouais... Je ne préfère pas répondre à la question. "

La première réplique est accompagné d'une expression carnassièrement méprisante. La suite est exprimée de façon plus respectueuse

" M'est-il possible d'attendre le retour de l’œil du gardien dans une auberge, pas loin des demeures luminescentes ? "

L'asiate s'arrête de marcher. Et avec un sourire magnifié, il déclare :

"Ha !

Le souhait n'est donc pas de quitter notre quartier. Il va donc falloir revenir sur nos pas."

Il s'incline ensuite vers Grage, tout en disant :

"Ma simple personne peut vous conduire jusqu'à un lieu de résidence calme et voué à accueillir les étrangers. Il n'est pas le plus proche des Demeures Luminescentes, mais a le mérite de la paix.

Cela vous siérait-il ?"

L'homme lion se stoppe peu après son guide avec une écoute attentive. La shaloar est, lui aussi, observateur de son environnement plus que de son interlocuteur. Le ton est respectueux et les questions finales s’enchaînent l'une après l'autre.

" Mon souhait est de porter l'information au plus vite. Si je peux agir à l'aube, je reste le plus rapide.

Mention m'a été faite des hostelleries en bordures des Demeures Luminescentes. Tes visions se sont avérées juste jusque la. Je te suis.

Avant l'aube, dois-je t'attendre pour prendre le chemin des Demeures Luminescentes ?
Mon tutoiement te dérange t'il ?
Pourquoi parles-tu de toi comme d'une simple personne. Tu es officier, non ? Et tu étais déjà quelqu'un avant. "

L'asiate se redresse et répond une fois bien debout et bien droit, son arme levée à côté de lui. Il arbore toujours son sourire.

"Il s'agit de mes manières, enseignées depuis la tendre enfance. Il est aisé de croire que mon phrasé met en avant ma faiblesse de rang, mais seuls les sots se laissent abuser."

Il restent ensuite silencieux et souriant pendant quelques instants, puis reprend :

"Le plus sûr est de se lever avant l'aube et de se trouver à l'entrée des Demeures Luminescentes dès que l'Œil du Gardien se montre. Nombreux sont ceux qui souhaitent recevoir une audience.

Votre manque d'éducation n'handicape que vous, visiteur. Aussi je ne m'en sens aucunement affligé.

Enfin ma façon de parler est une marque de politesse. Rien ne t'oblige à faire de même. Et bien peu dans cette cité en comprenne le sens."

Pendant l'écoute de l'asiatique, les sens sont autant à l’affût que l'appréciation des manières. Et le visiteur apprécie le sens donné au tutoiement.

" Bien.

Le mérite de la paix, pour moi qui vient en paix, signifie t'il que mes restes seront toujours en un seul morceau, avec la maîtrise de mes moyens afin de me rendre aux demeures luminescentes avant l'arrivée de l’œil du gardien ? "

Affichant un sourire carnassier, le prédateur se montre, pour une fois, très attentif aux réactions de l'asiatique.