Grage regrette vite son choix de traverser la ville par les ruelles.

Grage écoute son interlocutrice jusqu'au bout, en évitant de sourciller, les yeux plissés, l'expression sévère. Le massif Léodra prend une profonde respiration avant de croiser à nouveau les bras sur le torse, avec des gestes calmes et lents, presque déçu par l'intensité et l'agressivité de la Féline grognarde. Le débit de parole est lent et mesuré et le jeunot est lui aussi prompt à l'esquive si la vieille ne contrôle plus ses humeurs. Une vieille qui est observée avec attention par son interlocuteur, dans ses moindres gestes et émotions.

" A te voir combattre, je t'ai senti encore pleine de vigueur... Peut-être le trop jeune Grage s'est égaré en venant à ta rencontre. Le noiraud qui te fait face n'a pas reçu d'éducation de Léodra et et c'est ce qu'il cherche."

L'expression de son museau, ses yeux écarquillés trahissent la surprise de la vieille Léodra qui reste paralysée quelques instants. Puis elle éclate d'un rire bref avant de redevenir brutalement sérieuse, le regard inquisiteur, sa queue se remettant à fouetter l'air derrière elle :

"Vraiment ? Et comment as-tu fait pour survivre jusqu'à l'âge adulte ?"

Le Léodra continu de rester impassible au mieux de ses capacités, bien qu'une légère lueur de colère soit perceptible dans les yeux du mâle quand son interlocutrice se met à rigoler. Continuant d'observer la vieille dans ses moindres faits et gestes, le guerrier aux épées suit la queue dans son mouvements restant silencieux quelques instants avant de reprendre de sa voix grondante :

"Y a pas besoin d'éducation pour manier une épée ou chasser le smilodon. J'apprends en observant, mais l'observation à ses limites quand il s'agit de codes ou de langage corporel."

En réponse, la vieille Léodra pousse un sifflement félin agressif entre ses dents. Puis elle ajoute :

"Tu n'as pas répondu à ma question, noiraud.

Si tu n'as pas reçu l'éducation Léodra, c'est que tu as été abandonné par ta mère. Alors ? Comment un lionceau a pu survivre seul ?"

Le massif Léodra expire de ses naseaux avec une moue légèrement dédaigneuse.

"J'en sais rien. Mes premiers souvenirs remontent à des rencontres avec des humains dans les terres connues, la toute première étant très sanglante pour eux. Je me souviens que j'étais déjà en mesure de me battre avec deux épées, capable de chasser et quelques autres choses. Mais avant, rien. Les souvenirs sont aussi sombres que mon poils."

Le noiraud s'exprime lentement, d'un ton grave, toujours dans l'observation de son interlocutrice.

La méfiance reste nettement perceptible tandis que la vieille Léodra dévisage son interlocuteur, en silence. Puis son expression se fait plus aimable, sa queue se déplace plus lentement en se courbant et s'immobilisant parfois un court instant avant de bouger à nouveau. Et elle déclare :

"Je pense que tu dis la vérité. Un tel aveu est difficile à cracher hors de sa gorge, hein noiraud ?

Si tu n'as pas reçu l'éducation et la protection de ta mère, il est sans doute mieux que tu ne te souviennes pas de ton enfance.

Mais si tu comptes sur moi pour te faire rattraper tes jeunes années, tu as frappé à la mauvaise porte. Je n'enseigne que les armes !"

Le massif Léodra écoute la vieille féline, observant les mouvements corporels. A l'entente de la réponse négative à laquelle le noiraud était prêt, Grage décroise les bras et se dirige de son pas assuré vers la porte par laquelle il est entré dans la cour intérieure.

" Ok, bonne continuation."

Le ton est assuré et rien qu'à la voix, la femelle peut sentir le respect de la décision annoncée. Les sens du guerrier sont à nouveau à l'affut et c'est comme par réflexe que le Léodra effectue un léger panoramique non feint, y compris sur la partie visible des toits.

La vieille Léodra salue le départ de Grage d'un signe de tête digne.

Le jeune homme-lion ne repère aucune menace de ses différents sens. La porte s'ouvre sans résistance et donne sur le couloir. Personne n'intervient. Le Shaloar peut emprunter le couloir jusqu'à la sortie s'il le désire, resté seul.

Le Massif Léodra avancera dans le couloir étriqué sans manquer d'adopter une posture de circonstances. Intérieurement, le noiraud souhaite que le porteurs des clefs arrive rapidement.

Cependant, Grage reste sur ses gardes surtout si il arrive indemne jusqu'à la porte de sortie devant laquelle il dégaine une de ses épées (les courtes pour Grage mais normales pour des humains).

Le jeune Léodra a largement le temps d'arriver à la porte de sortie. Les verrous sont toujours en place. Grage a donc maintenant une de ses épées longues en main quand, enfin, la porte de côté du couloir s'ouvre pour laisser apparaître le vieil homme. Avant d'entrer dans le couloir, ce dernier remarque la lame sortie et pousse un bref cri de terreur. Il claque aussitôt sa porte devant lui, disparaissant à la vue de l'homme-lion.

Le massif Léodra n'est pas très surpris par l'attitude du majordome. L'un après l'autre, il ouvre les verrous sans perdre de temps. Les sens à l'affut, Grage ouvre la porte et sort de la maison avec une de ses épées en main, prêt à en découdre au cas ou.

Si personne n’ennuie le prédateur, l'épée sera rangée et la porte refermée avant de se diriger vers le quartier des arènes.

Le jeune Léodra tire les verrous mais se heurte à un dernier obstacle : la serrure est restée fermée à clé. La porte du fond du couloir s'ouvre brusquement. La vieille Léodra fait irruption, lance à double lame en mains.

Elle se stoppe aussitôt, interrogeant brièvement Grage du regard avant de vérifier des yeux sol et plafond, tout en reniflant doucement. Sa queue ondule sur le côté gauche et forme parfois des boucles.

Le Léodra observe avec grande attention les mouvements de queue et l'attitude de la vieille qui vient de faire son apparition. Puis une lueure de compréhension brille dans les yeux du porteur d'épée et un rire contenu de jeune Léodra, qui ne se veut pas moqueur, peut être entendu par qui prête attention.

" Y a pas de danger ! Le corniaud vient m'ouvrir ou j'arrache la serrure ? "

La vieille Léodra hausse un sourcil de surprise, puis son museau exprime la contrariété. Elle crache alors entre ses crocs :

"S'il n'y a pas de danger, que fais-tu l'épée tirée chez moi, noiraud ? Tu cherches à me défier ?"

" Pourquoi faire te défier..."

Répond le jeunot surpris

" C'est l'attitude que ton laquet a eu quand je suis entrée qui me fait prendre mon arme pour sortir. Et puis, te défier pourquoi faire ? Un mâle peut défier une femelle chez les Léodra ? Pour quelle raison, te détrousser ? récupérer ta tanière ? "

Le vieille Léodra se cache le museau d'une main velue et vide, la mine consternée. Elle répond ensuite :

"T'as vraiment un problème d'éducation, noiraud. Et je ne parle pas que d'éducation Léodra..."

Elle lâche un gros soupir puis s'approche, son arme tenue de manière désinvolte.

"Je vais t'ouvrir. Tu as du terroriser mon larbin."

Le massif Léodra se prépare à laisser passer la vieille tout en grommelant intérieurement en vue de sortir.

" Ça réponds pas à mes questions ."

Puis, n'attendant plus de réponse, Grage attendra tranquillement que la porte s'ouvre pour sortir, les sens aux aguets.

La femme-lionne grisonnante secoue simplement la tête négativement en réponse au jeune Shaloar. Elle se faufile souplement pour dépasser Grage dans le couloir, puis sort une clé de son pagne pour déverrouiller la porte. Elle l'ouvre grand et se tient à côté en la retenant d'une main, le long du mur, l'autre main tenant sa lance à double lame.

"La prochaine fois que tu viens me voir, que ce soit au sujet des armes ou du combat, noiraud."

Grage se faufile au mieux vers l'extérieur, sans faire état de la dernière remarques de la vieille. Les sens à l'affut, le guerrier rangera son arme si aucun danger n'est ressenti ou perçu. D'un signe de tête martial, il salut la féline sans vraiment la regarder avant de prendre, d'un pas assuré, la direction de l'Orfèvre : Yamina.

Rapidement, Grage se retrouve obligé de demander son chemin aux rares passants qui ont tendance à essayer de l'éviter. Leur attitude va de inquiète à effrayée lorsque le Shaloar parvient à les intercepter pour leur poser des questions. Tant bien que mal, le jeune Léodra noir parvient à trouver la boutique de Yamina.

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