En fin d'après-midi, Grage entre dans le quartier des indépendants.

Toujours poursuivi par un balafré et trois suiveurs essayant vainement d'être discrets, le jeune Shaloar provoque toujours une trouée dans la foule qui parcourt la rue. Sa tenue martiale et son aspect sont bien suffisants pour causer la crainte des passants, même si certains se permettent de le saluer. Tout comme la majorité des membres des troupes de la Garde.

Comme à l'accoutumé, et pendant le trajet, les saluts reçus sont rendus.

Une fois dans la quartier des indépendants, le solitaire cherche la rue des douces effluves. Le shaloar ne cherche pas à particulièrement à semer ses poursuivants, mais ne se ménage pas pour les faire transpirer. Le chemin pris ne sera pas le plus court.

Une fois la boutique perçue, le Léodra fera d'abord un passage devant en guise de repérage. Le parfumeur était sous surveillance aux dernières nouvelles, autant vérifier si cela est toujours le cas maintenant. C'est donc les sens à l’affût que l'homme félin fait son passage pour vérifier si surveillance il y a.

La rue des parfumeurs n'est pas une voie cachée ou perdue. Le fier Shaloar parvient donc à la localiser sans trop de peine. Pour trouver la boutique de Ssklekalac, il suffit de remonter la rue. L'enseigne "chez Ssklekalac" suffit alors à identifier la bonne boutique. Fort heureusement, car la demeure est très semblable à toutes celles de la rue. Comme la majorité des boutiques offrant des biens rares et précieux, elle n'a pas de vitrine et la porte semble renforcée de barres métalliques.

Au moins, la vérification du jeune Léodra lors de son passage au sein de la Rue des Douces Effluves lui permet de certifier que le magasin ne fait l’œuvre d'aucune surveillance. Grage peut également constater que la rue mérite son nom, mais qu'hélas les mélanges d'effluves ne produisent pas toujours de douces senteurs...

Pas de surveillance visible ne signifie pas plus de surveillance. Arrivée au terme de la rue, à la façon de celui qui a oublié quelque chose d'important, le massif marcheur fait brusquement demi tour pour faire face à ceux qui le pistent et commence à avancer de son pas rapide et décidé.

Quelque soit la réaction de ces poursuivants, la solitaire s’arrête net à hauteur de la boutique Ssklekalac, pivote sur le côté pour aller frapper trois coups massif sur la porte renforcée. Les sens à l’affût, l'homme guette autant qu'il écoute, l'odorat n'étant que de peu d'utilité en ce lieu.

Chaleur et odeur ne faisant pas bon ménage, l'homme félin est prêt à se couvrir la truffe avant d'entrer si les effluves sont trop agressives pour ses narines.

Dès le brusque demi-tour du jeune Shaloar, trois des suiveurs vont se plaquer derrière des éléments du décor : tonneaux, début de ruelle, porche... Le balafré se décale contre un mur et attend. Sitôt que Grage a dépassé la position de chacun de plus de vingt mètres, la filature reprend.

Quand le massif Léodra frappe trois fois, une voix grave de Semi-Géant se fait aussitôt entendre :

"Veuillez patienter..."

Et peu après, le vasistas s'ouvre et laisse apparaître une paire d'yeux plus gros que la normale. Les yeux expriment aussitôt un peu d'étonnement. Puis la même voix demande :

"C'est pour quoi ?"

La massif guerrier contient son étonnement suite à la question posée, et ne manque pas de répondre avec un aplomb suffisant qui masque son humour douteux

" Pour entrer. "

Dans l'attente de la réponse, le solitaire reste observateur.

Les yeux fixent un moment le Shaloar, puis la même voix daigne reprendre la parole :

"Va falloir être un peu plus précis pour ça."

Les passants sont ici moins nombreux que dans le Quartier des Arènes. Grage peut donc surveiller à loisir les badauds, qui restent à l'écart, sans risque d'une attaque surprise.

Le Léodra est surpris par le retour verbal du semi géant, ou, tout du moins, à ce qui s'y apparente. Cependant, le jeunot conserve son aplomb sérieux.

" Dit à Ssklekalac que le sauveur de la cité souhaite lui parler. Cela devrait suffire. "

La réponse ne se fait pas attendre :

"Attends ici."

Et le vasistas est refermé. Des pas lourds s'éloignent...

Ils reviennent quelques minutes plus tard. Le vasistas s'ouvre, laissant apparaitre les mêmes gros yeux :

"Ok. Il accepte de te recevoir, mais tu vas devoir laisser tout ton attirail guerrier dans la pièce d'entrée.

Compris ?"

Après avoir patienté dans l'observation du décor urbain, le solitaire entend les propos du semi géant. Après une courte réflexion, le massif guerrier ne peut s’empêcher d'avoir une pensée amusée pour son maître.

" Mouais. "

C'est tout ce que répond la Léodra qui va devoir se préparer à laisser son attirail de guerrier entre les pattes d'un rustre.

La porte s'ouvre alors, pour laisser la vision sur la silhouette massive d'un Semi-Géant portant une armure légère et un casque métalliques, armé d'un bec de faucon. Il se recule pour laisser entrer le Shaloar et laisser suffisamment d'espace lui permettant de frapper. Derrière la porte se trouve une pièce carrée faisant environ quatre mètres de côté. L'ensemble du mur à droite contient des étagères et des râteliers. Pour l'instant vides.

Dès que Grage aura passé la porte, le Semi-Géant armuré se décale sur la gauche et profite de la longueur de son bras pour clore l'issue derrière le Léodra. Et refermer le verrou.

Les mains bien en évidence, le solitaire entre en facilitant le travail du portier. Dès que les verrous sont fermés, alors les armes du guerrier sont attrapées, une par une, par les lanières et tendues au semi géant, ou posées à l'endroit qui sera indiqué. Les gestes sont lents et mesurables pour tout homme d'armes expérimentés. Un fin psychologue peut clairement deviner que confier ses armes n'est pas chose facile pour le shaloar.

Une fois cela terminé, toute les armes confiées, la bouche formant un trait bien droit pour cacher sa mauvaiseté, le Léodra attends les consignes.

Le Semi-Géant armuré indique au jeune Shaloar les emplacements libres contre le mur de droite, et le laisse déposer ses armes. Une fois les armes déposées, le colossal garde dit d'une voix neutre, conservant son bec de faucon en main :

"Tourne toi sur toi-même, lentement."

Le solitaire, légèrement offusqué, ne peut contenir un léger grondement de mécontentement face à ce qui est vécu comme un affront.

Cependant, le guerrier se prête à l’exercice, allant même jusqu'à lever sa cape pour faciliter l'aperçu. Sur ce, les sens de l'observé sont en éveil.

Une fois le petit tour terminé, le Semi-Géant hoche la tête et indique :

"Ouvre la porte, avance et prends le couloir à droite. Tu tomberas sur la salle de travail de mon maître."

Le colossal garde reste dans le côté gauche de la pièce, vigilant, et laisse le chemin libre jusqu'à la porte donnant sur l'intérieur de la demeure.

Laissant la cape retombée et se placée comme elle se doit, le shaloar opine du chef à l'attention du vigile suite à l'entente des propos. Se faisant, dans des gestes mesurés et les sens toujours en éveil, le solitaire ouvre la porte.

Si aucun danger n'est perceptible, alors l'homme lion avance et pour prendre le couloir de droite. Toujours si rien d'anormal n'est à déplorer, le chemin se poursuis jusqu’à ce qui a été appelé comme étant une salle de travail. Si cette salle ressemble plus à une prison ou un cachot qu'à une salle de travail, le guerrier spirituel sera prêt à ne pas entrer, mais surtout, à trouver une issue favorable.

Dès qu'il ouvre la porte, le jeune Shaloar découvre un couloir transversal.

Au bout de deux mètres sur la gauche, il donne sur une ouverture où pend un rideau de perles multicolores. Le rideau a été accroché de chaque côté de l'ouverture pour laisser le regard passer : la grande pièce qui suit est manifestement la boutique. De nombreuses étagères contre les murs y contiennent de nombreux fioles sculptées et décorées. Deux jeunes femmes vêtues de robes attrayantes guettent de derrière un comptoir.

Sur la droite, le couloir se poursuit sur une dizaine de mètres. Tout d'abord, à l'intérieur du passage, deux portes closes se font face. Au bout, alors que le couloir se poursuit sur la gauche, une porte est ouverte. L'individu qui se trouve dans l'ouverture est un insecte de taille humaine. Seuls sa tête et le bout de ses quatre pattes antérieures sont apparentes depuis la longue robe précieuse qui recouvre son corps. Les gros yeux à facettes sont tournés vers Grage.

Sans mot dire, l'insectoïde fait signe au massif Léodra de le suivre. Et le Kerleksèss avance dans la partie du couloir hors de vue à gauche après le coin.

Suite à l'invitation de l'insectoïde, le shaloar se dirige dans la partie du couloir hors de vue à gauche après le coin. Chemin faisant, les deux femmes porteuses de robes attrayantes sont saluées d'un bref signe de la tête.

Le Léodra n'est pas des plus à son aise en ce lieu. L'absence de son épée légendaire, dont il se sent responsable n'est pas le seul facteur. Les Kerlèkses ont la réputation d'être d’excellent assassin, et celui dont la rencontre est imminente n'est autre qu'un membre actif du cercle des indépendants. Le sauveur ne sait pas trop ce que cela représente. Et les manières d'un sauvageon bourrues ne seront peut-être pas les bienvenues.

Tout cela explique le sérieux que s'impose l'homme lion en cet instant qui se déplace avec un regard de prédateur à l'affût jusqu'à ce qu'il trouve le moyen de détendre sa musculature.

Les pas lourds du Semi-Géant se font entendre à la suite du Shaloar, à trois mètres de distance.

Quand Grage atteint le coude, il peut voir sur la partie gauche du couloir que le Kerleksèss n'y est plus présent. Mais, quatre mètre plus loin, la porte suivante sur la droite du couloir est ouverte. Une autre porte attend encore quatre mètres plus loin à droite, close. Et enfin une porte se situe au bout du couloir.

Le jeune Léodra peut entendre des pas légers se déplacer à l'intérieur de la pièce derrière la porte ouverte.

Le massif cale la vitesse de ses pas sur celle du semi géant pour que les bruits de sa progression soit couverte. L'avancée se fait jusqu'à la porte ouverte.

Cependant, montrant sa personne, le guerrier spirituel ne rentrera pas sans y être invité. Ainsi, dans le couloir, le jeune peut observer et le géant, et l'intérieur de la pièce ouverte.

Quand le Shaloar s'arrête, le Semi-Géant se stoppe dans le coude, restant à trois mètres.

Grage peut alors distinguer l'intérieur de la pièce sur laquelle donne la porte ouverte. Il s'agit d'un bureau richement décoré, ornementé de plusieurs plumes et encriers de teintes différentes. De nombreux parchemins forment une pile dans un coin du plateau. Le fond de la pièce est entièrement occupé par des étagères, quasiment entièrement remplies par des ouvrages. Le reste des étagères est occupée par des statuettes de pierre, parfois rehaussées par des éclats de pierreries. Les murs sont couverts d'étoffes compliquées et principalement vertes.

Le Kerlèksèss est tranquillement assis dans un haut fauteuil ornementé derrière ce bureau, attendant. Quand Grage se présente devant sa porte, il indique d'une de ses mains le fauteuil central parmi les trois qui sont placés de l'autre côté de son bureau.

Le Massif Léodra pénètre dans la pièce somptueusement décorée, fermant la porte derrière lui. L'homme lion va ensuite se placer derrière le fauteuil indiqué tout en restant debout, les mains visibles, paumes de main ouverte, attendant que le vigile arrive, et d'être invité à la parole.

La porte se réouvre aussitôt, pour laisser entrer le corpulent Semi-Géant armuré. Ce dernier referme la porte derrière lui et se place dos à la porte, conservant son arme en main.

Le Kerleksèss reste immobile, indiquant le fauteuil sur lequel Grage s'appuie. Il indique alors d'une voix à peine trop aiguë pour un humain adulte, et mêlée de faibles cliquètements :

"Asseyez-vous, je vous prie."

Tendu depuis qu'il a laissé ses armes, et qu'il estime que celles ci sont sans surveillance, le solitaire a les yeux qui se plissent. Les lèvres qui, jusqu'alors, formaient un trait bien droit viennent à une position normale.

Alors que la porte se ferme et que le semi géant, arme en main, se tient derrière lui, l'homme lion commence à se détendre. Le casque est retiré, les gantelets aussi, le tout étant attachés à la ceinture. Les gestes commencent à trouver un aplomb et une dignité certaine, la posture elle, est assurée, même si la gène due à l'absence de son arme légendaire est toujours présent.

Après cela, le solitaire s'assure par avance que le fauteuil sera suffisamment solide pour supporter sa masse avant d'y poser son séant sur le bord. Il est évident que la position assise n'est habituelle pour le guerrier qui est loin d'avoir compris comment il fallait s’asseoir pour paraître. Cependant, et bien sagement, l'invitation à la parole est attendue avant l'expression.

Le Semi-Géant ne fait dès lors plus un bruit.

Le Kerlèksèss reste la tête tournée vers le digne Shaloar qui lui fait face. Grage réalise la difficulté pour savoir quel est le point observé par les yeux à facettes...

Une fois que le massif Léodra s'est assis du bout des fesses sur le siège, l'insectoïde attend quelques secondes puis prononce de sa voix aigüe accompagnée de faibles cliquètements :

"Je vous écoute, Sauveur de la Cité. Qu'est-ce-qui motive votre visite en ce lieu ?"