Après son achat de quoi écrire, Grage sort du volcan.

Il emprunte l'allée creusée dans le flanc rocheux depuis la sortie nord jusqu'à atteindre l'accès entouré de tours de garde du Marché Extérieur. Il ne croise qu'un petit groupe de quatre personnes désarmées et chaudement habillées à la mine peu satisfaite.

Et il entre à l'intérieur du village fortifié, recevant des signes de tête de quelques gardes au sein des tours au moment où il passe le seuil.

Les saluts reçues sont rendus d'un signe de tête visible et martiale.

La démarche assurée du shaloar le guide directement vers sa tanière. Les sens à l’affût, le prédateur observe les personnes qu'ils voient lors de son passage.

Grage peut donc constater qu'il reste une quinzaine de personnes affairées à contempler les maigres étalages des cinq colporteurs présents sur le marché. Il note que Miloz n'est plus présent et que ceux qui le remarquent détournent rapidement le regard, comme d'habitude.

Le massif Shaloar n'a donc aucun problème à se trouver un chemin dégagé. Sitôt le petit marché dépassé, il ne croise plus aucun passant jusqu'à sa caverne.

Caverne dans laquelle le prédateur s'engouffre de son pas rapide. Le temps passé étant long, le massif entrant ne présume pas de la présence de ses femelles. L'éventualité de la présence ou le passage de Miloz et de son acolyte est aussi envisagée.

C'est prêt à différentes éventualités que le Léodra pénètre chez lui le pas tonnant, les sens à l’affût.

Quand Grage s'engouffre dans le couloir d'accès, il finit par découvrir ses deux femelles en train de nettoyer la grotte de fond en comble. Nulle autre présence n'est détectée.

Dès l'arrivée du massif Léodra, Charina et Sadriska cessent leurs activités de nettoyage pour se tourner vers l'arrivant.

Façon calme et décontractée, sans mots dire, le jeune Shaloar se place au milieu de la pièce, pose son sac et en ressort ses acquisitions. Sont ainsi déballés d'un vieux linge sale mais protecteur une petite fiole de verre bombée emplie d'encre, une plume équipée de sa pointe et un fusain.Une fois cela fait, le Léodra gronde :

" Voila de quoi remplir les formulaires. "

Puis, dans l'observation de ses compagnes,  le guerrier va s'adosser à un mur, croisant les bras sur le torse, attendant que les documents soient remplis.

Charina est la première à se déplacer et à venir se pencher pour ramasser la fiole, la plume et le fusain. Elle se dirige ensuite vers la table où elle est discrètement rejointe par Sadriska.

La Léodrani fauve remplit alors un des formulaires, en trempant régulièrement la plume dans l'encrier, sous l’œil attentif de la jeune Léodrani noire. Une fois terminé, Charina tend la plume à Sadriska qui relit souvent le contenu rempli par son aînée tout en écrivant sur le second formulaire.

Quand elle en a terminé, Charina sourit et commente à voix douce vers sa cadette :

"Voilà. Nous devrions pouvoir profiter d'un véritable habitat cette fois."

Le jeune observe silencieusement les deux Léodranis dans leur exercice d'écriture sans masquer son sourire de satisfaction sans chercher à charmer du regard les deux félines.

Une fois les papiers remplis et les propos entendus, le mâle se détache du mur d'un mouvement sec des épaules tout en grondant posément :

" Je le souhaite tout autant que vous. "

Bien que le guerrier se verrait dans véritablement l'embarras d'un refus. Passer l'hiver dehors n'est guère réjouissant et le Léodra s'engage intérieurement à vivre la même situation que les Léodranis.

L'approche des papiers se fait lentement et avant toute chose, le jeune s'assure que l'encre est bien sèche avant de prendre les documents.

" Vous avez bien mémorisé ce qui est écris ? "

Après avoir posé la question spontanément, Grage réalise qu'il risque, à nouveau, un retour cinglant de sa favorite et s'y prépare.

La femme-lionne tourne aussitôt la tête vers Grage, avec une légère expression de surprise :

"Pourquoi donc ?"

Et les deux Léodranis attendent la réponse avec un mélange d'inquiétude et de curiosité.

Le Léodra répond posément.

" Je vous ai déjà informé de la possibilité d'une enquête à votre sujet avant que vous ne deveniez citoyenne de Fort Braise. Si les responsables de la cité viennent à vous interroger, il faut que vous restiez cohérente dans vos réponses verbales par rapport à ce que vous avez écrit.

Ce n'est qu'une possibilité. Il faut juste y être préparé. Et c'est pour ça que, par précaution, il est bon de se souvenirs des réponses écrites en globalité. Pas la peine de tout apprendre mot à mot.  "

Le shaloar reste debout observant les réactions.

Charina sourit brièvement et répond :

"Ah ? Alors ce ne devrait pas être difficile, nous n'avons noté que la vérité."

Sadriska hoche la tête en souriant.

Le Léodra montre sa pleine satisfaction d'un franc sourire suite à ce qu'il vient d'entendre, et, sans lire les réponses écrites, les papiers sont rangés soigneusement dans le sac à dos. Une fois prêt, le Shaloar ajuste sa panoplie tout en grondant

" Je vais les apporter de suite au Conseil Volcanique. "

Le jeune masque au mieux une hésitation au moment du départ. Puis, estimant qu'il a le temps, Grage s'approche des deux félines pour un baiser d'au revoir en commençant par sa favorite. Si ce baiser est accepté, le temps est pris de savourer cet échange sans trop le faire durer.

Les deux Léodranis se prêtent volontiers aux baisers. Puis au moment du départ, Charina demande subitement, se rappelant d'un détail :

"Au fait, ne devais-tu pas ramener un certain Miloz ?"

Le shaloar se stoppe dans son élan et fait face pour répondre posément à sa favorite.

" Oui. Mais faut avouer que lui aussi est sujet à des humeurs.

Avant de mettre les pieds chez moi, je lui ai posé une condition. Il n'a pas voulu la respecter. Pourtant, dans sa taverne, je me montre toujours prêt à entendre et respecter les siennes. Alors tant pis.

Vous pouvez le rencontrer au marché extérieur, sans moi. Il vous suffit de vous présenter au petit matin avec une de vos chasses et d'attendre qu'un barbu dégarni se présente. Ou d'aller à sa rencontre s'il se fait timide. Il a la tête couverte d'une chapka, un peu vieillot pour un quadragénaire quadragénaire. Je reste convaincu que vous gagnerez à le connaitre. "

Si la Fauve féline n'a rien à ajouter, le Léodra fait demi tour et s'en va.

La mine étonnée, Charina pose ensuite la question :

"Et quelle était cette condition ?"

Elle ajoute, de sa voix tranquille :

"D'un autre côté, je suis plutôt satisfaite de ne pas avoir à le recevoir dans une simple grotte non aménagée."

Le premier retour se fait spontanément, sur le ton de l'étonnement, avec un soupçon de reproche car le Léodra ne comprend pas que Charina remette en cause les bienfaits de sa présence.

" Elle est bien notre grotte. Je n'ai jamais eu de logement aussi confortable que depuis que vous êtes la. Et c'est de vous dont j'ai besoin, pas d'aménagement. "

Après un petit haussement d'épaule façon jeune maladroit quand il cherche à faire valoir des sentiments, le guerrier reprend posément

" Miloz s'est permis d'inviter quelqu'un sans me demander. Et quand je lui ai dit que cette personne devrait rester dehors, il n'a pas voulu venir.

D'ailleurs, je ne sais pas comment je dois le prendre. Mais si il vous a pris pour un sujet de curiosité et qu'il veut se vanter de pouvoir vous approcher devant témoin, il risque de prendre une tartine velue à cinq griffes dans la face. Même si je dois aller en geôle pour ça. "

Le final n'est pas dit à la façon d'un pécher d'orgueil. Le Shaloar ne veut pas que l'on manque de respect à ses Léodranis.

A nouveau, la Léodrani fauve exprime son étonnement par son regard. Elle se reprend rapidement et répond d'un ton calme mais assuré :

"Il va falloir que tu remettes tes appréciations à niveau, Grage Niark. Tu n'es plus un sauvageon, mais un véritable Léodra.

Cette grotte n'est pas bien. Elle est misérable.

Ceci est le premier point. Ensuite, tu voulais inviter un individu qui a priori ne te connait que peu au sein d'un lieu propice à une attaque par surprise. Un lieu qui ne peut pas être décemment présenté comme un habitat. Surtout si tu voulais lui imposer de venir seul.

Je comprends parfaitement sa réticence. Il s'est même montré plutôt respectueux s'il ne t'a pas provoqué par la suite. A moins que ce ne soit que de la crainte."

La première partie de la réponse ne provoque pas de réaction particulière chez le Léodra. Par contre, après la seconde partie, les sourcils se froncent, le regard affiche le sérieux d'un prédateur perplexe qui cherche comment fondre sur sa proie. La bouche fermée forme un trait bien droit tandis que la queue fait un léger mouvement de balancier mesuré. Le silence dure tandis que le jeune se demande pourquoi sa favorite donne raison à un humain qu'elle ne connait pas, plutôt que de se montrer solidaire avec son mâle.

Le silence dure un bon sablier avant que la réponse ne se fasse entendre d'un grondement grave et sans émotion

" Je devrais me réjouir que tu cherches des excuses à un humain...

Mais cet humain, je le répète, se permet d'inviter quelqu'un chez moi sans me demander ! Cela veut dire qu'il estime pouvoir se dispenser de mon aval pour inviter du monde chez moi quelque soit ses motivations.

Alors si toi tu tolères ce genre de comportement, ça te regarde. Moi, non ! Une simple demande m'aurait suffit et je lui ai offert la possibilité de s'exprimer à ce sujet.  "

Visiblement, le jeune se contient car il avait dans l'intention de faire du mauvais esprit. Mais le respect envers sa Favorite est marqué par un silence et le ravalement de mauvais propos dans une attitude plus digne.

" Cette grotte n'est pas misérable, elle est fonctionnelle. Tu es ma favorite, mon intérieur t'appartient et tu pourras y faire ce que bon te semble. Sache simplement que le luxe superflus et inutile,  je n'en n'ai pas besoin et je n'en veux pas. "

Le massif guerrier reste planté dignement attendant une réponse.

Charina reste un court moment immobile et silencieuse. Puis elle reprend la parole, d'une voix calme et tranquille :

"Il semble que tu ignores les usages : un invité peut toujours se faire escorter.

Pour la simple raison que je t'ai indiquée plus tôt. Et l'invité doit se sentir en confiance dans le lieu où il est invité. Tu peux nier mes paroles, mais tu devras faire face un jour ou l'autre à la culture Léodra qui les tient pour acquises."

La Léodrani se tait quelques instants, puis reprend, toujours aussi douce :

"Cette grotte n'est pas fonctionnelle. Malgré les ajouts que nous y avons apporté. Elle est juste un point de repli."

La femme-lionne indique alors la grotte qui l'entoure d'un large geste, et commente sans agressivité :

"Regarde autour de toi. La salle a des angles morts ainsi que des parois et un sol irréguliers. Car ce n'est pas une salle, ce n'est qu'une grotte naturelle. Si ce genre d'habitat te satisfait, alors je ne peux rien pour toi et ne peux espérer te faire devenir un véritable Léodra."

Le jeune répond plus rapidement que précédemment, toujours aussi sérieux et peu convaincu parce qu'il entend.

" Quand on se fait escorter, ce n'est pas par un commis en bas age non armé !

Et quand bien même de cet usage, je serais volontiers resté dehors avec ce commis le temps d'une partie d'osselets pour vous laisser mener vos affaires comme vous l'entendez. Il n'a pas communiqué, c'est regrettable pour notre relation à tous les deux.

Mon premier réflexe quand je suis entré dans son auberge a été d'aller lui poser questions sur ce qu'il fallait respecter chez lui. Moi, j'ai marqué le respect. Lui, non ! "

Calme dans son expression, le Léodra marque la fin de son propos en tapant un fois du pied par terre et en expirant par les nasaux d'une façon presque hautaine. La cible du mépris n'étant autre que Miloz.

Puis, le discours reprend posément :

" C'est parce qu'elle est naturelle que j'aime bien cette grotte. Elle est l'expression de Géa, la Mère de Tout. A mon retour, j'aimerais que tu me définisses ce qu'est, selon toi, un véritable Léodra. Ton point de vue intéresse le Réprouvé que je suis.

Pour l'heure, je dois effectuer une démarche que je ne peux faire de nuit. Désolé de mettre un terme à cette conversation. "

L'homme lion adresse un franc sourire à ses Félines avant de tourner les talons et s'en aller en direction de Fort Braise..

Charina croise les bras et reste immobile, silencieuse, pendant le départ de Grage. Sadriska garde les oreilles couchées et les épaules basses au moment où le jeune Léodra lui sourit.

Puis le massif Shaloar sort de la grotte. Plus loin, la place du marché parait toujours aussi peu remplie et étonnamment calme. Un vent léger souffle quasiment en continu, les nuages bruns et gris se déplacent toujours rapidement.

La calme de la place du marché ravit le Léodra qui va pouvoir faire un trajet direct en direction de Fort Braise, sans devoir faire de détour pour éviter une foule d'indésirables.

Chemin faisant, la météo est observée avec un air presque méfiant.

Si des saluts sont reçus, comme à l'accoutumé, ils sont rendus. Mais comme il s'agit du second trajet, l'homme Lion ne s'y attend pas vraiment.

Sur le trajet, comme attendu, le massif Léodra ne reçoit que quelques regards de surveillance de chalands restés méfiants.

Grage passe la barrière grande ouverte et gardée par deux tours menant au défilé d'accès à Fort-Braise. Il n'y reçoit que quelques mouvements de tête de salutation des gardes situés en haut des tours.

Et il parvient à l'entrée de Fort-Braise.

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