Et Grage émerge dans les latrines du Mâtin Difficile...

... après avoir ouvert la trappe au-dessus de lui, repoussant au passage le tapis qui orne le sol de la pièce au-dessus de lui. Vif comme tout bon Shaloar, il découvre une pièce contenant une table appuyée contre un mur, ornée de trois petites cuvettes emplies d'eau e accompagnées de torchons bien salis. De l'autre côté, trois portes proches l'une de l'autre donnent sur des sièges d'aisance bouchés par des couvercles de bois.

La pièce est vide de tout occupant et de tout danger. En face, une porte close attend. Le brouhaha et les rires épisodiques proviennent de l'autre côté.

Toujours aussi vif, le shaloar profite de sa solitude pour remettre le trappe et tapis en place rapidement. Ensuite, se plaçant derrière la porte d'accès aux latrines pour en bloquer l'ouverture de sa masse, le noiraud commence par utiliser sa capacité à sentir d'autres guerriers spirituels.

Ensuite, une écoute plus attentive se fait ainsi qu'un panoramique à la recherche d'éventuelles fenêtres.

Le sens des totems ne révèle aucune présence de guerriers spirituels.

A travers la porte, le jeune homme-lion entend surtout des exclamations - parfois hargneuses - et des bouffées de rire. Dans le brouhaha indistinct des conversations, ceux qui parlent le plus fort semblent vanter les mérites d'un nouveau champion impressionnant dans l'arène de mêlée. Un Semi-Géant manifestement. L'ambiance générale semble bien typique d'une taverne fréquentée par la populace.

La recherche de fenêtre est vaine : il n'y en a aucune dans cette antichambre aux latrines. Juste deux petites grilles d'aération faisant à peine la lame d'un couteau en hauteur et la lame d'une dague en largeur. Leur présence descend clairement la température de la pièce mais cela ne dérange pas le massif Shaloar, bien protégé par sa fourrure et sa cape.

Oscillant sa truffe de droite à gauche, le shaloar se décide à franchir la porte qui sépare les latrines à la taverne. Par réflexe, le guerrier reste prudent, restant à couvert jusqu'à l'ouverture complète suffisamment lente pour que les sens aient le temps d'une adaptation rapide au changement de pièce.

Et c'est avec son assurance martiale innée que la Léodra fait entrée dans le lieu de convivialité. Pendant ses premiers pas, le jeune noiraud balaye les lieux de son regard.

Après avoir ouvert la porte, Grage découvre une salle de taverne bondée et enfumée. Diverses senteurs opiacées mélangées viennent aussitôt à l'assaut de ses narines, couvrant difficilement les remugles d'alcools et de sueurs. Personne ne prête attention à son arrivée : comme souvent, c'est la porte d'entrée qui attire la vigilance.

La clientèle porte des vêtements simples fréquemment sales ou élimés. Des armes souvent sommaires sont gardées à portée de main, sur la table, dans le dos ou à la ceinture. Des ribaudes essaient d'aguicher avec plus ou moins de succès : certaines sont encore debout tandis que d'autres sont sur des genoux accueillants. Le massif homme-félin repère également un peu de commerce sous le manteau : des pièces sont échangées contre de petites bourses.

Manifestement, la taverne n'emploie pas de serveurs ou de serveuses, il faut aller commander au comptoir.

Après son observation de l'intérieur, le noiraud se doute bien qu'il ne va pas trouver ici de quoi écrire pour rédiger son message. Aussi, tandis qu'il prend le chemin de la sortie, veillant à ne pas se faire détrousser de quoi que se soit lors d'une bousculade éventuelle, le noiraud réfléchit à un endroit ou l'on peut trouver un nécessaire à l'écriture à cette heure avancée de la nuit.

La capuche bien rabattue pour dissimuler son museau, Grage traverse la pièce. Sa massive stature semble décourager le moindre badaud, ribaude ou malandrin de s'approcher. Nul ne vient l'intercepter ou se mettre sur son passage. Il ouvre donc la porte donnant sur la rue et sort sans autre ambage.

Le temps de réflexion apporté par le déplacement confronte le jeune Léodra à une évidence : aucun scribe tenant boutique n'est ouvert la nuit. Et les scribes de rue retournent à l'abri de leur logement bien avant le crépuscule. Tout comme la très grande majorité des commerçants. Les seuls établissement restant ouverts la nuit sont les tavernes, les auberges, les tripots, les bordels et les hostelleries. Même les apothicaires n'ouvrent pas leur porte une fois le soleil couché, quelle que soit l'urgence.

Avant de franchir la porte de sortie, le massif poilu se pose une nouvelle question : ou passer la nuit. Pour être le plus moins repéré, le mieux est de rester dans ce lieu si il est possible d'avoir une chambre en cet endroit. Si cela est donc possible, le guerrier se dirige vers le comptoir. Sinon, l'hostellerie la plus proche fera l'affaire, tant que ce n'est pas un lieu trop malfamé. La porte de sortie sera donc ouverte.

Comme l'établissement est une taverne, il ne propose pas de chambres ni de couchages.

Grage n'a à arpenter que quelques rues pour tomber sur une hostellerie de standing moyen : l'Hostel du Gros Loir. La façade ne paie pas de mine mais a le bon goût d'être uniformément de pierre et sans ouverture hormis la porte lourdement ferronnée.

Comme souvent pour les hostelleries à Tradisgantia, l'entrée n'est pas libre. Il va falloir montrer patte blanche - ou plutôt, bourse pleine - après avoir usé du heurtoir.

Avançant de façon assurée en direction de l'Hostel du Gros Loir, le noiraud s'assure par ses sens de ne pas être danger avant de faire appel à son spécifique lui permettant de sentir la présence d'autres guerriers spirituels avant d'utiliser le heurtoir.

Après quoi, vigilant, le guerrier se prépare une bourse facile d'accès avant de se livrer à un exercice qu'il apprécie, marteler une porte à l'aide d'un heurtoir. Cependant, l'objectif étant de pouvoir entrer et passer une nuit tranquille, l'homme lion se contente de soulever la partie métallique et de la laisser retomber sur la porte à trois reprise, se retenant de faire le fanfaron en ce lieu.

Une fois cela fait, le visage du champion se découvre légèrement de sa capuche pour être vu clairement de l'intérieur par un œilleton, si il y en a un.

Comme la très grande majorité des portes d'entrée de Tradisgantia, celle-ci est munie d'un judas. Qui d'ailleurs s'ouvre peu après que Grage ait laissé retomber une première fois le heurtoir.

Des yeux humains s'y encadrent. Et ils ont aussitôt une expression de surprise. Une voix masculine, grave et vulgaire se fait ensuite entendre :

"Tu s'rais pas... comment déjà... Gragegnark ?"

Le noiraud fronce les sourcils s'attendant à une situation imprévue qui lui fait crisper sa puissante musculature. Cependant, la curiosité l'emportant sur la méfiance, le shaloar reprend sur le ton de la confidence.

" Ca se voit, non ? Pourquoi cette question ? "

Le massif guerrier ne peut s’empêcher de guetter au mieux les réactions de l'individu à la voix grave et vulgaire.

"Bah... pas habitué d' recevoir des gens connus, ici !", rigole l'inconnu derrière sa porte close.

La réponse sonne un peu faux aux oreilles du Shaloar.

"Bosse toujours avec la Garde ?"

Les yeux fixent Grage avec attention, contredisant le ton désinvolte employé.

Le guerrier derrière la porte n'en reste pas moins vigilant à son environnement, jetant un œil aux alentours avant de répondre d'un grondement qui dégage décontraction et assurance par rapport à la question posée :

" Non, sauf pour les occasions d'exceptions. Comme la grande bataille, tu piges. Pour l'reste, j'vais rien t'apprendre en t'disant qu'la solde est un peu maigre et qu'la gloire, ça rempli pas une bourse. "

Le noiraud gronde d'un rire sincère qui se veut communicatif tout en faisant tinter la bourse préparée à cet effet et reste attentif aux réactions de son interlocuteur.

"Ah, ça c'est sûr !", s'esclaffe le gaillard.

"Et la gloire, ça attire qu' des emmerdes ! Des filles aussi. Mais au final, ça aussi, c'est des emmerdes...", ajoute-t-il, philosophe.

Puis il écoute le tintement de la bourse, le regard trahissant sa concentration.

Autour, tout reste paisible. Grage entend des pas dans une rue parallèle, qui ne font que passer. Aucune sensation de danger.

"Alors, y t' faut quoi, Sauveur ?", demande le portier à voix basse, le ton intéressé.

Grage affiche un sourire de connivence, plus franc au moment où le sujet des filles est abordé. Puis, la réponse s'enchaîne sur le ton d'une amicale évidence en sourdine

" Ben si tu veux que j'ouvre la bourse."

Répond le guerrier qui ne peut contenir un regard sévère et direction des bruits tout en rangeant le contenant des pièces avec la promptitude d'un réflexe guerrier

" Tu m'ouvres la porte pour un repos tranquille."

'Pour sûr, Sauveur", répond le gaillard avec assurance. Et il tire les loquets des verrous avant de refermer le judas d'un coup sec. Puis il entrouvre la porte en la tirant vers l'intérieur.

"D' la tranquillité, t'en aura ici !"

Et il laisse juste assez d'espace pour que Grage puisse passer de flanc.

Le noiraud ne se fait pas prier et entre dans l'Hostel du Gros Loir, sur ses gardes, prompt à toute éventualité. Une fois à l'intérieur, le guerrier se fat observateur si tout va bien jusqu'à ce que la porte soit fermée et que la suite des événements prennent un cours normal.

Dans le même temps, le champion cherche dans sa mémoire si ce lieu de repos appartient à une grande famille ou pas.

L'établissement est inconnu du puissant Léodra. Comme il se trouve dans le quartier des indépendants, il est tentant de penser qu'il n'appartient à aucune grande famille marchande. De plus, hors des quartiers dédiés à ces familles, les commerces affichent l'emblème de l'éventuelle famille protectrice pour dissuader les malandrins. L'Hostel du Gros Loir ne porte aucun emblème du genre.

Un solide garde de taille moyenne mais aux larges épaules - pour un humain - attend dans le court couloir derrière la porte. Grage remarque tout de suite qu'il porte un ceste orné d'une pointe aiguisée à la main droite : arme idéale pour les espaces confinés comme ce bref couloir de trois mètres de long. Il parait la trentaine d'années et est couvert d'une brigandine.

Sur ses gardes et souriant, il laisse entrer le massif Shaloar et referme aussitôt derrière lui, rabattant les verrous de mouvements vifs et secs. Il s'apprête ensuite à le suivre.

Au bout du couloir attend un rideau de perles, qui bloque la vue sur la pièce suivante. L'ouïe fine de l'homme-lion y a repéré la présence d'au moins trois personnes.

Sans mot dire, une fois la porte refermée et se sentant à l'abri des dangers extérieurs, la garde du guerrier est moins visible. Une prudence reste néanmoins de mise jusqu'à l'ouverture de rideau perlé.

C'est de façon assurée que le solitaire ouvre le rideau et pénètre dans la pièce, effectuant un panoramique dès ses premiers pas.

Grage passe le rideau de perles et débouche dans une pièce plus large que profonde. Immédiatement à sa droite se trouve un mur peint d'une couleur crème, tout comme les autres parois de la pièce. Deux mètres devant lui, un comptoir commence contre le mur de droite et se poursuit sur cinq bons mètres vers la gauche, là où se poursuit la pièce. De l'autre côté du comptoir, une porte de bois fermée se trouve au milieu du mur d'en face. Après le comptoir, à gauche, une seule autre porte est aussi située dans le mur d'en face. Ce sont les seules autres issues à part le rideau de perles que vient de passer le massif Shaloar.

L'homme-lion a entendu les pas du portier qui l'a suivi en restant à plus d'un mètre de distance. Derrière le comptoir, un peu plus loin sur la gauche, une humaine trentenaire au physique quelconque et un peu boulotte est tournée vers le nouveau venu. Une épaule appuyée sur le mur contenant l'entrée au rideau de perle, distant d'à peine deux pas, un solide gaillard barbu dévisage le jeune Shaloar. Il est vêtu d'une brigandine et joue avec un gros gourdin entre ses mains. Grage note que le barbu a une jambe de bois. Plus loin, vers le bout de la pièce à gauche se trouve un homme carré et défiguré. Un bandeau cache son oeil droit et un nez en bois remplace celui d'origine, retenu par une sangle qui fait le tour de la tête. Sans doute les conséquences d'une blessure par masse d'arme ou autre arme hérissée... Le borgne dispose lui aussi d'une brigandine et d'un gros gourdin.

La pièce ne contient pas d'autres meubles que le comptoir. Aucune clé de chambre n'est visible, ni aucun support qui leur serait destiné. Le guerrier spirituel note aussi de petites aérations fermées par du grillage métallique à chaque coin du plafond. La pièce est entièrement éclairée par trois lanternes disposées régulièrement le long du comptoir.

Le portier, l'hôtesse et les deux vigiles ont clairement des traits de famille et ont des âges similaires. Les trois occupants de la pièce écarquillent les yeux dès qu'ils distinguent le museau du nouvel arrivant.

" Salut "

Gronde le noiraud à l'attention des écarquilleurs d'yeux tout en continuant d'avancer vers le comptoir. Des guerriers expérimentés peuvent deviner un état de vigilance quasi constant masqué par l'aplomb naturel d'un homme félin à la démarche assurée. Arrivé au comptoir, et si tout se déroule bien, le noiraud bascule sa capuche, dévoilant une tête sous une tête : son faciès de Léodra sous son casque de Léodra sculpté.

" Une chambre pour la nuit, c'est combien ? "

Le ton assuré n'en reste pas moins amicalement décontracté. Les oreilles du félin cherchent à entendre si d'autres bruits que ceux de cette pièce sont perceptibles.

Le borgne est le premier à sortir de sa stupeur. Il s'exclame avec un sourire, rendu hideux par sa défiguration :

"Le Sauveur !?! Ouais, c'est bien toi !"

La femme derrière le compteur est la suivante à réagir et elle s'empresse de répondre, toujours éberluée :

"C'est la maison qui offre, Sauveur ! Sans toi, ici, ça s'rait t'nu par des démons aujourd'hui !"

L'unijambiste fait sans cesse passer son regard du casque au faciès du massif noiraud velu. Il marmonne :

"Dingue... on aurait vraiment dit un Shaloar d' métal..."

Pendant le bref silence qui a précédé les paroles, Grage a pu entendre des ronflements étouffés provenant d'au-delà du mur derrière le comptoir et au-dessus du plafond.

Dans un premier temps, le massif poilu ne répond rien. Silencieusement, le sac est posée, la cape est roulée jusqu'au dessus des épaules, laissant paraître le plastron magnifiquement sculptée. Les armes sont maintenant bien visible. Puis, d'un grondement assurée emplissant la pièce.

" C'est agréable. J'peux au moins vous offrir une tournée, le temps qu'vous m'racontiez c'que vous avez vu de cette grande bataille, ou entendu. Dans l'feu d'l'action, j'me suis pas vraiment rendu compte de c'que j'faisais. Y en avait partout."

Face à la spontanéité des réactions, le massif poilu commence à se détendre réellement. Seul les sens sont maintenant en éveil.

Le borgne répond aussitôt, un rien embarrassé :

"Une tournée, ça s'rait pas d' refus ! Mais on peut pas sortir d' l'hostel avant l'aube. Ça s'rait pas correc' pour nos clients..."