Et Grage émerge dans les latrines du Mâtin Difficile...

Zagar hausse son sourcil d'étonnement puis soupire avant de répondre :

"Bah ? T'as été dans la Garde pourtant !?! Tu d'vrais êt' au courant qu' les Tékélitt ont commencé les attaques l'année dernière. D'puis y font qu' se répliquer l'un sur l'aut'. A coups d'assassinats et d' petites bastons d' rue. Maint'nant qu' les deux familles savent à quoi s'en t'nir, c'est moins fréquent qu' l'année dernière. Mais ça continue à s' tester d' chaque côté pour vérifier si y a une faiblesse."

Puis il écarquille l'oeil :

"Kek tu dis à propos des démons ? T' penses qu'y va y avoir une autre attaque ?"

Et c'est plus blasé qu'il répond aux dernières questions :

"Et pis, j' sais pas si y avait qu' des humains qui s' sont fait arracher l' foie. En tout cas, pas des mendiants. Les mendiants, ça reste pas dans la rue la nuit pour crever d' froid ou s' faire massacrer par des brutes ayant envie d' se marrer. Et d' tout' façon, la Garde pass' son temps à les choper pour les enfermer dans les bas-quartiers.

Nan, j' pense qu' les victimes sont du genre habituel, comm' ceux qui s' font égorger pour leur bourse : des fêtards bourrés qui rent' trop tard et tous seuls chez eux."

" J'm'en souvenais plus pour les Tekel. "

commence par répondre le noiraud conservant le ton et l'attitude amicale.

" Pour les démons, c'est sur qui s'sont pris un claque en v'nant nous titiller. Mais y savent qu'la brèche est la. Faut pas seulement garder l’œil ouvert. Faut éviter d's'affaiblir bêtement tant qu's'est pas réparé. Au fait, j'me souviens plus trop, y en a eu beaucoup d'sauveur suite à la grande bataille ?

Et c'est bien c'que t'm'dis la. Les fêtards qui perdent leur foie, ils perdent aussi leur bourse ?"

Le borgne affiche à nouveau une mine surprise. Tout comme les autres occupants de la pièce. Il répond presque aussitôt ; :

"Bah non, y a qu' toi comm' sauveur !"

Puis avec une moue dubitative :

"T' poses d' drôles de questions quand même..."

Il enchaîne aussitôt sur l'autre sujet, retrouvant sa jovialité.

"Bah ouais, ils perdent aussi leur bourse, leurs vêt'ments, parfois leurs ch'veux et leurs dents. Tout c' qui peut servir ou s' revend'. Et bien souvent, c'est pas l' tueur qui s' sert. Ce s'rait quand mêm' idiot d' gaspiller !"

Puis il se frotte le menton, haussant le sourcil.

"Alors si y a une rumeur sur un arracheur d' foie, c'est sans dout' pa'ce qu'y prend qu' ça..."

Lars lance un regard méfiant vers la massif Shaloar avant de grommeler :

"C'est quand mêm' bizarre... un memb' d' la Garde d'vrait d'jà savoir tout ça..."

Bratt reste silencieux et adopte un visage neutre, braquant un regard inquisiteur sur les réactions du Léodra noir.

" Ben j'suis plus d'la garde Lars. Ca s'voit à la cape, non ? J'l'ai dit en entrant. "

reprend le noiraud restant bloqué sur une incompréhension qui se voit.

" Comment qu'ca s'fait que j'sois l'seul sauveur alors qu'nombreux braves se sont battus à mes côtés ? "

Le noiraud se gratte les poils de sa crinières à l'aide de ses griffes, prenant soin de ne pas abîmer ses tresses.

" Bon, passons. J'demanderais à Kentarrak. Dois y avoir un truc. Pour l'arracheur de foie, c'est juste d'la curiosité. Si j'le croise, je lui boufferais l'sien en ramenant sa tête, histoire qu'le quartier r'trouve son calme. Mais pour l'instant, j'ai rien pour l'identifier."

Bratt a subitement un petit sourire puis il intervient, jovial :

"Du calm', les frangins !

Grage n'a pas longtemps fait partie d' la Garde. En plus, il était Lieut'nant.

Il a sans doute glandé comm' tous les officiers et jamais fait d' vraies patrouilles. C'est pour ça qu'y connait pas les réalités d' la rue..."

Lars et Zagar reste un bref instant interdits, puis ils s'esclaffent.

" C'est pas faux. "

répond le noiraud avec un sourire en coin, profitant de l'aubaine pour faire disparaître les tensions du à un sujet épineux.

"  Pis faut dire que quand j'me promène la nuit, comme pour v'nir ici, ben, je croise pas grand monde. Pourtant, j'fais attention, y parait qu'c'est dangereux. Mais bon... "

Le massif poilu penche sa tête sur le côte et cherche quelle chose dans sa gueule qui doit être coincé entre ses crocs pour que seul les mâles puissent voir ses magnifiques canines. Les gestes est fait sans exagération, de façon décontractée et naturel.

" Et t'as pas tord, Bratt. Les marchands, y voulaient qu'j'passe chez eux une fois qu'j'étais champion d'l'arène et Lieutenant. Y m'faisaient des ristournes, des courbettes en veux tu en v'la et y criaient bien fort mon nom. Alors, z'auriez fait quoi à ma place, tremper les pieds dans l'urine des p'tites rues ? Hein ?"

L'homme lion accompagne sa question d'un haussement de tête interrogatif en direction des deux braves méfiants.

" Ben oui, faut bien vivre quand on peut. Demain, j'sais pas c'que s'ra.  Et vot'e truc sur l'mangeur de foie, ben ça prête à question. J'explique mon point vue. Tu m'dis qu'dans la rue, on gâche pas. D'accord, mais on s'vante pas non plus. Alors j'vois mal celui qui trouve l'cadavre dire à qui veut bien l'entendre qu'il a pris c'qui pouvait sur un mort qu'a perdu son foie.

Parce que si y fait ça, les aut'es qu'entendent, y vont penser qu'il a pris l'reste, la bourse, les dents et tout l'chichi. Donc, celui qui sait qu'y a plus de foie, ben y va fermer sa gueule pour pas s'faire dépouiller. Hein ?

Alors comment qu'z'avez eu c't'info ?"

Le shaloar, après exposition de sa vision des choses, guette les réaction de son auditoire.

Les remarques de Grage provoquent l'hilarité des trois gaillards, même la matrone pouffe puis se retient.

Bratt est le premier à cesser de rire, puis il explique, toujours jovial :

"C'est là où tu t' plantes, sauveur !

Tu parles comm' si les gens s' cachaient pour dépouiller un cadav'. Mais au p'tit matin, trouver un cadav' frais et pas récolté, c'est une aubaine d' voisinage ! C'est qu' ça prend du temps qu' tond' des ch'veux ou arracher des dents. Alors tous les habitants du coin s'y mettent avant qu' les Mystiqu' Funèb' passent. Et y partagent.

Et c'est comm' ça qu'on a les rumeurs. Et parfois c'est que'qu'un d' connu qu'on r'trouve su' l' pavé. Alors, là, y a des chances que l' cadav' soit débité pour pouvoir r'vend' les bouts ! Et si c'est que'qu'un d'une famille marchande, on laisse l' corps entier l' temps d' savoir si la famille veut l' rach'ter.

C'est comme ça qu' ça s' passe ici !"

L'homme lion se satisfait de voir que son raisonnement à l'envers déclenche une forme d'hilarité. en plus, il vient d'entendre par des gens de la rue comment les choses se passent dans la rue, raison de plus pour être satisfait.

" Ah..."

reprend le Shaloar amusé lui aussi.

" Si j'avais su plutôt. La prochaine fois, j'évit'rais d'jeter c'qui traîne au bout d'mes épées dans la flotte.

Maintenant, si raisonne dans vot'e sens, tant qu'c'est pas vot'e foie qu'est pris, l'assassin c'est votre pote ? Non ?"

Les quatre humains prennent une mine offusquée. Zagar est encore le plus prompt à prendre la parole :

"Ah bah non ! C'est pas not' pote ! L' tueur, il attaque n'import' qui. Y pourrait aussi bien attaquer que'qu'un d' not' quartier !

Après, si y vient tuer un estranger d' passage dans nos rues, on va pas s'en plaind'..."

Le noiraud affiche une moue sympathique d'évidence en guise d'acquiescement évident.

" Bon, qu'c'est pas tout, j'ai une chambre qui m'attend. "

Le prédateur oriente son regard vers la dame présente.

" Si tu veux bien me montrer le chemin."

Et avant même d'avoir une réponse, une lueur brille dans les yeux de l'homme lion qui enchaîne

" Au fait, y z'ont dit qu'tu savais écrire ? Ça t'dérange si j'te demande de m'rédiger un mot ? "

Cette fois, c'est Lars qui répond en maugréant.

"La frangine, é fait pas l' servic' de chamb'.

S' tu veux voir ta piaule, suis moi, sauveur."

Et il commence à se diriger en claudiquant vers l'issue en bout de pièce.

" Dommage, j'étais prêt à payer pour l'service d'écriture."

Répond amicalement le noiraud qui récupère ses affaires. Une fois que plus rien ne traîne, le massif guerrier salut l'assemblée d'un hochement de la tête façon martiale avant de suivre Lars.

Vradia se décide à répondre précipitamment :

"Si tu as les feuilles de parchemin, je veux bien me charger d'écrire... ici, au comptoir."

Et elle se risque à sourire poliment.

Le noiraud, stop ses préparatifs et adresse à la femelle une moue amicalement ennuyée, plissant ses lèvres à l'intérieur de sa bouche légèrement souriant avec les grands ouverts avant de répondre

" Ben non Vradia, j'ai pas. C'est pour ça qu'j'étais prêt à payer."

Et le grand poilu poursuit ses préparatifs pour suivre Lars.

La matrone hausse alors les épaules en montrant ses paumes ouvertes en signe d'impuissance. Une moue désolée sur le visage.

Lars a ouvert la porte qui donne sur un couloir droit terminé par un escalier montant en coude. Au passage, il saisit la lanterne la plus proche sur le comptoir puis s'engage dans le couloir. Ce dernier ne contient aucune autre issue que la porte et l'escalier.

Le guerrier se contente de suivre sans mots dire. La façon de se ré équiper est calme et minutieuse. Dès qu'il reprend la marche, la promptitude naturelle au combat refait surface instinctivement, et ce, malgré un port digne et martial qui pourrait la masquer à des pratiquants novices en combat.

Le noiraud hume l'air, laisse porter ses sens pour suivre Lars jusqu'à sa chambre.

L'odorat du Shaloar ne repère que l'odeur de Lars et une légère senteur de savon provenant du sol. Le Sens des Totems ne détecte rien. Et l'impression de danger reste très diffuse, plus basse que dans les rues de la cité. Les ronflements assourdis déjà perçus se font entendre légèrement plus distinctement : ils viennent de l'étage.

Étage auquel Grage accède à la suite de Lars. L'escalier donne sur un couloir en L. Après le coude, le couloir contient dix portes qui se font face deux à deux. Lars marche jusqu'à la quatrième porte à gauche et l'ouvre.

"V'là ta chamb', sauveur. Y a trois verrous à l'intérieur. Bonn' nuitée !"

Et l'unijambiste attend dans le couloir, après la porte qu'il a ouverte.

Le noiraud a suivi l'humain, évitant aussi de faire du bruit plus que raison.

" merci Lars"

Gronde le poilu avant de fermer la porte de sa chambre. Ce qui peut surprendre l'humain, c'est que Grage ne ferme pas les verrous, tout du moins, pour le moment.

Le Shaloar inspecte les lieux et, si tout va bien, commence à déposer sacs et armes.

A peine Grage est-il entré qu'il entend les pas claudicants de Lars s'éloigner dans le couloir, retournant vers l'escalier.

La chambre est une petite pièce simple de trois mètres sur trois, contenant une paillasse sans draps ni couvertures à même le sol et un gros coffre de bois épais. Il n'y a aucune autre issue que la porte que vient de passer le massif Shaloar, à partir de petites aérations munies de grilles au plafond dans les coins de la pièce.

La pièce garde une légère odeur de savon. La paille de ce qui sert de couchage doit être relativement fraîche car aucune odeur de moisissure n'en émane.

Après les premières observations, le solitaire utilise ses griffes pour les faire riper le long des parois, sol et plafond inclus, à la recherche de sonorités creusent.

Si rien n'est décelé, alors le guerrier ferme les verrous sans faire de bruit, puis commence à se débarrasser de son bardas. Une des épées longue vient renforcer le blocage de la porte. L'armure sera retirée en dernier, une fois n'est pas coutume avant que le massif poilu ne se livre à quelques exercices d'étirements pour se détendre. Le matériel est disposé de façon ordonné pour l'homme félin, et en mode prêt à l'emploi si urgence.

Viendra ensuite le temps d'une méditation durant laquelle le noiraud ne cherche qu'à se vider l'esprit. Puis, une fois que la fatigue se fait sentir, le repos.

Grage ne détecte aucun espace creux dans les murs, le sol ou le plafond.

Il médite ensuite jusqu'à ce que le sommeil l'appelle. Drap et couverture sont à disposition dans le coffre, ce qui n'est pas un luxe vu que la pièce n'est pas chauffée.

Le musculeux Léodra dormira son content sans être réveillé de la nuit. Ce sont des conversations et des rires dans le couloir qui le tireront du sommeil, complètement dispos.

Le noiraud s'étire de tout son long, savourant les plaisirs d'un repos sans aléas. Après quelques gratouilles de ci de la, le solitaire enfile et ajuste sa panoplie de guerrier en même temps qu'il la vérifie. La crinière est coiffée en prenant soin des tresses.

Une fois fin prêt à paraître, le Shaloar deverouille la porte en même temps que ses sens de prédateur s'échauffent. La porte s'ouvre et si rien ne gêne, le gros chat descend les escaliers de son pas massif et assuré.

Pendant que le puissant Shaloar se prépare, les voix et les pas dans le couloir s'éloignent et disparaissent en descendant dans l'escalier. Grage note aussi qu'il n'y plus de ronflements, il n'en a pas entendu depuis son réveil.

Il n'y a donc personne pour admirer le Léodra noir dans le couloir de l'étage. Ni dans l'escalier. Ni dans le couloir au bas des merches. La porte au fond du couloir du rez-de-chaussée est ouverte.

Grage peut déjà entendre au-delà la voix de Zagar qui débite les commérages du quartier.

Arrivé au bas des merches, le massif descendant pénètre dans le lieu de commérage. Un bon guerrier peut sentir l'instinct martial prompt du Léodra, les autres n'en percevront que l'aplomb du prédateur emplissant les lieux de sa puissante masse que rien ne saurait arréter. Si aucun danger ne fait face, alors l'homme lion gronde :

" J'ai bien dormi, Ruffians. C'est agréable. "

Puis, le noiraud guette les réactions des personnes présentes.

Arrivé dans la pièce en longueur servant de hall d'entrée, Grage ressent à nouveau le danger ambiant propre à la cité. Il ne voit des Ruffians que Zagar derrière le comptoir. Aucun des autres frères et sœur n'est présent. A la place se trouvent deux humains enveloppés dans leur cape-manteau, capuche rejetée dans le dos. Le premier est blond et barbu, la vingtaine d'années dépassée. Le second est balafré, châtain et mal rasé, environ la trentaine. Les deux hommes ont clairement le regard méfiant vers le puissant Léodra et la main sur l'arme, même si elle est cachée sous la cape.

L'état d'usure et les traces de salissure des capes indiquent l'habitude de voyager dans les terres sauvages. Ainsi que l'odeur de boue provenant de leurs bottes. D'après leur haleine, les deux hommes n'ont rien mangé récemment et n'ont bu que de l'eau. Leur sueur ne trahit la présence d'aucune maladie et ils ont du se laver la veille.

Par contre, Zagar a pris un petit déjeuner à base de tartines et a bu de l'alcool de roseau.