En fin de nuit, Grage entre dans le quartier des indépendants...

" C't'agréable. Merci. "

Répond le massif guerrier avec une mine satisfaite. Ensuite, le solitaire pivote et va s'installer à une table d'angle, c'elle qui fait dos à l'ouverture de la porte si possible, pour ne pas effrayer les clients quand ils rentrent, et qui donne une vue sur la pièce dans sa totalité. Le sac à dos est posé à côté, ainsi que les deux claymores, le tout restant à portée de main.

En attendant le service, les réflexions silencieuses, débutées pendant la marche en sortie de la maison close, reprennent leur cours. Le solitaire réflexif à l'impression de ne pas être entier. ne pas être lui même. Et ce qui lui convenait bien avant est maintenant sujet à réflexion, ce, depuis la rencontre avec ses femelles. Sans oublier les multiples sauts d'humeur.

Mais qui est réellement le sauveur ? Difficile de répondre à cette question quand on est amnésique. Trouver les réponses est-il nécessaire pour pouvoir s'affirmer et être entier dans son comportement ? En l'absence de réponse probante, l'homme lion considère que non. Il faut juste ajuster les trajectoires du futur.

Le digne Shaloar constate vite que la table qui l'intéresse est déjà occupée par le troisième humain présent. Il s'agit d'un mi-vingtenaire qui porte une capuche lui dissimulant la majorité du visage. Grage peut en distinguer le bas de son visage presque imberbe : le rasage semble négligé. Il est néanmoins aisé de constater que l'individu a une expression estomaquée quand il regarde le massif Léodra se rapprocher du fond de la pièce, et s'installer à l'autre table de coin.

L'humain silencieux se décide à faire un salut de la tête vers l'homme-lion assis à l'autre table du bout de la pièce. Puis il rebaisse la tête vers son bol vide.

Ensuite, Grage peut remarquer même sans y prêter attention l'entrée disparate d'une douzaine de clients, venus prendre leur petit-déjeuner, une chope de bière ou un petit verre de gnôle. Ces clients restent au comptoir ou installés autour des tables les plus proches du tavernier. Le dit tenancier doit indiquer à voix basse qui est ce Léodra noir installé en bout de salle, car la quasi-totalité des clients le fixent peu après leur arrivée avec une mine surprise et impressionnée pendant un bref moment. Ensuite les divers clients conversent entre eux et le volume des conversations reprend vite une intensité habituelle pour une taverne.

Comme à l'accoutumé, le massif solitaire a rendu le salut au mi-vingtenaire. Le chemin des pensées suivent leur fil au fur et à mesure que la taverne se rempli.

Les présentations discrètes que fait le tavernier arrange le sauveur. Cela évite que des apeurés ne prennent la poudre d'escampette. Devenir un élément de décor est aussi propice à la réflexion. Cela évite d'être dérangé.

Le guerrier spirituel, qui évite tout geste brusque, prend le temps de fermer les yeux le temps de faire un sens des totems.

Utilisation de la capacité spéciale : sens des totems

Puis, une fois le résultat obtenu, la pierre de contact est utilisée pour tenter de communiquer avec petits pas dans la brume.

Utilisation pierre de contact : petit pas dans la brume

Quand le Shaloar ferme les yeux, il constate vite qu'il est le seul des environs à disposer de l'assistance d'un Totem.

Puis l'utilisation de la pierre cachée dans son gorgerin lui permet d'entrer en contact mental avec le vieux Kiriti.

"Ooooh !", s'écrie mentalement le vieux marmotte-gerbille, de surprise. Et il se reprend très vite pour annoncer :

"Bonjour, mon grand ami ! Que puis-je pour toi ?"

Le solitaire tranquillement installé à sa table reste observateur du décor tandis qu'il s'exprime mentalement :

" Salutations Petits-pas-dans-la-brume, c'est toujours un plaisir que de t'entendre. Je viens aux nouvelles, avec de nombreuses questions si tu as le temps.

Mais d'abord, comment vont les tiens ? Ton élève apprends toujours aussi vite ? "

"Oh oui ! Mon élève est toujours aussi avide de connaissances", répond mentalement Petits-pas-dans-la-brume de son ton placide. "Et les miens vont bien. Aucun grand prédateur n'a été repéré ces derniers temps.

Je te prie d'ailleurs de m'excuser, ta prise de contact m'a fait l'impression d'être une nouvelle proie. Mais si tu souhaites me poser des questions, fais à ta guise."

Le solitaire se garde bien de montrer ses expressions tandis qu'il communique. Et sur l'instant, il est curieusement intrigué.

" Le tigre à dents de sabre s'est calmé alors. C'est un bien fait.

Si je peux faire quelque chose pour retirer la sensation que tu sois une proie, alors j'apprendrais. Il te suffit de m'expliquer comment. Car pour moi, nous n'êtes pas des proies, bien au contraire.

Les prophètes peuvent-ils localiser une personne qui porte une pierre ? Comme moi par exemple.
Pourrais-tu, toi, me localiser à mon insu ? Grace à la pierre ou un autre moyen ?
Un prophète peut-il en localiser un autre, sans ou avec pierre ?

Je te demande tout cela car j'ai découvert que, parmi les ennemis qui courent après Kajira, il y a des prophètes. Je dois donc prévoir quand je vais venir la chercher, si elle le souhaite. "

Tandis qu'il s'exprime mentalement avec Petits-pas-dans-la-brume, le shaloar observe plus particulièrement le comportement de l'humain placé dans le coin opposé, pour savoir si son comportement à changé.

"Aaah ! Je comprends...", s'exclame mentalement le petit rongeur.

"Grandement désolé de ma réaction. C'est que pour nous, tout ceci est évident dès notre plus jeune âge.

Nous ne pouvons localiser la personne avec qui nous communiquons, sauf si elle nous montre l'endroit où elle se trouve. Je ne pourrais donc pas te localiser à ton insu, à moins d'utiliser des discours retors pour te pousser à me montrer où tu te trouves sans que tu y prennes garde.

A ma connaissance, l'un des nôtres ne peut pas ainsi localiser un individu sans son assistance. Ou alors, il ne fait qu'utiliser son flair et ses talents de furtivité, mais cela l'obligerait à suivre avec son corps la trace de l'individu."

L'humain solitaire reste calme, tête baissée. Il joue parfois avec sa cuillère en la faisant passer entre ses doigts, démontrant au passage et involontairement une grande dextérité manuelle. Son attitude démontre une certaine forme de lassitude et/ou de dépit...

Voyant que l'humain agile de ses doigts ne semble pas avoir perçu que l'homme lion est en communication mentale, la conversation se poursuit avec Petits-pas-dans-la-brume.

" Ah "

lâche mentalement le shaloar soulagé par la réponse.

" Te souviens-tu de l'armure que tu m'avais réparée ? Cette coquille de métal que je porte comme une seconde peau. Serais-tu capable de la rendre plus souple, qu'elle fasse moins de bruit, sans quelle ne perde en rigidité afin qu'elle me protège aussi bien ?  

Voir qu'elle me protège encore mieux, si cela est possible. "

Le vieux marmotte-gerbille pousse aussitôt nombre de petits couinements entre ses pattes avants, ce qui semble correspondre à une espèce de rire bref. Et il répond ensuite, sur un ton amusé :

"Si j'étais capable d'autant de prodiges, pourquoi ne t'en aurais-je pas fait profiter d'office ?"

Le massif guerrier apprécie le rire de la marmotte.

" Et bien, parce que je ne te l'avais juste demandé de la réparer.

Tu as déjà vue des pierres qui brillent tout le temps. Comme l’œil du gardien ? ".

Le shaloar montre les demeures luminescentes, et son sommet aveuglant, de nuit comme de jour à son ami rongeur.

Le vieux rongeur allait répondre mais la seconde partie du discours du jeune Léodra le statufie, particulièrement l'image des Demeures Luminescentes :

"Ooooh !"

Abasourdi, il finit par bredouiller :

"Je... Cette lum-... cet endroit existe dans l'extérieur ?"

" Oui. "

répond le solitaire posément

" Ce lieu existe. La lumière est tellement forte que je ne peux la regarder sans risquer d'être aveuglé. Elle rayonne de jour comme de nuit. Tu connais ce genre de lumière ? Tu en as déjà vu ?

Et ça ? Tu connais ? "

Le shaloar montre les tapisseries avec les représentations sur lesquelles les shaloars sont mis à l'honneur, surtout les Léodra.

"Oooooh !", est la seule réponse mentale qu'obtient le jeune Léodra dans un premier temps.

Puis le vieux marmotte-gerbille prend le temps de répondre plus posément.

"Non. Et non.

La deuxième chose que tu m'as montrée, qu'est-ce donc ?"

" Dommage. "

Répond le shaloar à la double négation avant de reprendre

" Des fresques ou des dessins. Je présume que ceux sont des représentations de l'ancien temps, d'avant le cataclysme que certain nomment aussi : la chute.  Je sais pas pourquoi ils appellent le cataclysme la chute. Tu as une idée ? "

L'homme lion garde un œil sur ce qui se passe dans la taverne.

Petits-pas-dans-la-brume se gratte le menton des deux mains, réfléchissant. Puis :

"Hmmm... non, je ne vois pas ce que tu appelles le cataclysme ou la chute. La seule chose d'importance dans notre passé est la Libération.

Quand le Gardien a délivré nos ancêtres pour qu'ils puissent rejoindre les montagnes après un difficile et dangereux voyage. Auparavant, nos ancêtres étaient prisonniers au sein d'une immense cage pleine de constructions gigantesques, dénommée 'la Cité'."

Au fur et à mesure de la conversation avec le Kiriti, Grage constate que peu à peu les différents clients prennent congé, sortant de la taverne après avoir terminé leur boisson ou leur maigre repas. Il ne reste bientôt qu'une demie-douzaine de bonimenteurs autour du tavernier. Ces derniers ne prêtent guère attention aux deux clients du fond de l'établissement. Et l'humain solitaire qui n'a pas bougé de sa table de coin n'est pas plus vigilant, le massif Shaloar par l'acuité de ses sens peut même l'entendre soupirer à quelques reprises.

" Quoi ???  Tes ancêtres ... prisonniers ! Au sein d'une immense cage !?! "

Le solitaire laisse passer quelques brève secondes avant de reprendre.

" Une immense cage... C'est pas une cage... Une cage s'est... Ça . "

L'homme lion montre au Kiriti un cachot de fort Braise avant d'y être enfermé et que la porte ne se referme pour finir dans le noir total.

" C'est une cage pour moi. Et sans lumière celle la. J'en suis sorti maintenant.

Et toi, qu’appelles-tu cage ? Même immense. Comment fait-on pour vivre et assurer la survie de l'espèce dans une cage ? Comment fait-on pour voir dans une cage ? Pour bouger à sa guise, pour se nourrir ?

Nous ne devons pas avoir la même définition du mot. Peux-tu me préciser pour que je te comprenne mieux. "

Le vieux Kiriti se gratte à nouveau sous le menton des deux mains. Puis il répond :

"Hmmmm... non, je ne peux préciser.

C'est une vieille histoire et j'ai toujours vécu au sein des montagnes."

" Je vous souhaite une vie libre et heureuse. C'est important. "

Le solitaire refait un panoramique de la taverne avant de reprendre.

" Je suis content que vos chemins se soient croisés, à toi et à Kajira. Converser avec toi me fait du bien. Bonne journée. "

Grage laisse le temps au Kiriti de pouvoir répondre s'il le souhaite.

Dans le même temps, n'ayant pas été servi de sa tartine et de son bol de lait de chèvre, le guerrier lâche un grondement sourd et suffisamment puissant, pour couvrir le bruit de ambiant, ressemblant à un grattement de gorge. Le regard du prédateur se pose sur le tavernier, puis sur la table vide comme si il manquait quelque chose, puis de nouveau sur le tavernier.

Dès que le grondement dépasse le bruit ambiant, le tenancier s'arrête de papoter, regarde l'air surpris en direction du bruit, s'avise du besoin et déclare en souriant un peu penaud :

"Tout de suite !"

Il remplit un grand bol et prépare rapidement deux grandes tartines beurrées, qu'il dépose dans un plateau. Ensuite, il emmène le dit plateau en quittant son comptoir et en traversant la salle jusqu'à la table du massif Léodra. Il dépose plus sereinement le petit-déjeuner devant Grage, sans brusquerie.

Les quelques autres clients regardent la scène depuis le comptoir, l’œil médusé.

Grage opine de la tête façon martiale une fois servi,pour marquer sa satisfaction ou exprimer un remerciement, peut-être les deux d'ailleurs. Ensuite, les aliments seront reniflé, goûté, puis manger lentement si rien de suspect n'est décelé. L'observation des gens de la taverne reste constante.

Si le vieux Kiriti n'a pas répondu, la conversation sera coupée.

Si le crotal ne s'est pas pointé avant le milieu de matinée, le massif Léodra se décidera à quitter les lieux.

"Bonne journée !", répond avec un délai le vieux Kiriti, une expression de surprise sur le museau.