Grage s'approche de l'Hostellerie du Havre Ronronnant en début d'après-midi.

L'aubergiste répond d'un "Heuuuu..." avant de voir arriver la chope du Léodra. Il se rassérène et s'incline légèrement vers le jeune Shaloar, ne trouvant rien à répondre.

Le mutant hausse un sourcil sans perdre sa bonne humeur.

"Bah... t' parles du quartier ou des Arènes ? Pa'ce que les Arènes, j'y vais p'us tell'ment". Vivien fait une brève grimace dédaigneuse. "Trop d' guerriers qui valent pas l' coup... j'y vais qu' pour r'monter ma picaille.

Alors j' traine dans l' quartier autour, en espérant tomber sur un gros morceau. Mais là, j' suis tombé sur un os !"

Et il éclate d'un rire bien gras et retentissant.

Le shaloar gronde d'un amusement partagé.

" Vu la qualité d'ton matos, ça doit bien payer. La seule fois ou j'suis rentré dans l'arène de duel, j'ai du payer et malgré ma victoire, j'ai rien gagné. J'ai du m'faire arnaquer. "

Le shaloar hausse les épaules avant de reprendre avec plus d'intérêt

" T'a entendu parler du s'mi géant en armure complète ? Parait qu'il était bon."

Le jeune se prête à une conversation de comptoir avec un franc plaisir. Cependant, un regard de biais montre une attention orientée vers la salle et son entrée.

Pour pouvoir surveiller la salle et l'entrée de l'auberge, le méfiant Shaloar est obligé de se tenir de côté par rapport au comptoir, ce qui l'oriente droit vers son interlocuteur mutant.

Ce dernier affiche un bref instant une mine interloquée par les paroles de Grage, il répond ensuite, avec un air peu concerné et peu catastrophé :

"Ah ? C'est qu'y d'vait pas y avoir grand monde... mais ça m'étonne quand mêm' ! Tu touches une part des r'cettes. Mmmmh...

T'es vraiment allé chercher tes gains ? Pa'ce que si t'y vas pas, tu t' les mets au cul."

Et Vivien est reparti d'un gros rire gras passager.

Sitôt qu'il a fini de rigoler, il poursuit la conversation :

"Le s'mi-géant en armure... si on parle bien du gars qui vient du sud, j' l'ai manqué. Mais y parait qu'il est resté s'amuser qu' 2 ou 3 jours à l'arène. C'est qu' je commence à êt' connu et qu' je peux maint'nant m' faire engager comm' merc'. Alors j'étais pas dans l' coin au bon moment.

Moi, à mon avis, un gaillard d' son niveau - vu son matos - a rien à fout' aux Arènes. Si y est allé, c'était juste pour fair' parler d' lui, à mon avis..."

Le rire gras et passager fait largement passer la pilule car, effectivement, le Léodra n'est pas allé chercher ses gains puisqu'il ne savait qu'il y avait des gains à recevoir quand on gagne. L'amusement est donc partagé.

A la fin de la remarque sur le semi géant, l'ex lieutenant enchaîne

" Comme tu dis, pour faire parler d'eux, mouais. Il n'est pas v'nu seul le balourd. Et quand on connait un peu le groupe et s'qu'ils dégagent en apparence, leur façon d'se distraire, c'est d'montrer qu'les guerriers du Karnazad sont meilleurs qu'ceux d'ici. "

Gronde le sauveur en buvant une gorgée de bière

" Ça paie bien d'être un merc' ? T'es au service d'une famille ? D'un marchand ? Une fois, j'ai décliné l'offre d'un marchand d'pacotilles pour un convoi sur un court trajet. J'sais pas si un oui aurait été mieux. "

Vivien boit une bonne goulée de son pichet de bière. Il laisse ensuite s'échapper un "Haaa..." de contentement.
Puis il se décide sans attendre à répondre au massif Léodra.

"Ouais, ça paie plutôt pas mal ! Et j' suis au service de ç'ui qui paye ! Qui soit d'une famille ou pas. J' me suis pas encore fait d'enn'mis dans les familles, alors j'en profite."

Il se contente cette fois d'un bon gros sourire satisfait. Il laisse passer quelques secondes, puis il tourne un visage interrogateur vers Grage, avant de demander :

"Et toi ? Tu d'viens quoi d'puis qu' t'es p'us dans la Garde ?"

" Depuis la garde ? "

Le solitaire hausse les épaules en soupirant

" Rien d'palpitant. J'visite les terres plus ou moins connues. J'essaye d'filer un coup patte à des potes qui sont d'dans jusqu'au cou et j'ai l'impression que j'm'enlise avec eux. En ce moment, tout va d'travers. J'peux pas vadrouiller tranquille sans qu'on tente d'me mettre une claymore dans les pattes. C'est tannant.. "

Dis le jeune Léodra dans une grimace mélangeant hargne et dépit en regardant le public de la taverne. Puis son regard revient sur Viven de façon amicale.

" C'est rare quand une rencontres s'finit autour d'une chope. C'est pourtant si simple. T'a d'ja voyager toi ? "

Vivien hoche la tête avec une mine de dépit compréhensive envers le massif Shaloar. Puis quand la question lui est posée, il arbore un grand sourire tout en se pointant du pouce de sa main gauche. La main droite tenant toujours sa chope à moitié vide.

"Haha ! Un peu, mon n'veu ! J'ai d'jà bourlingué jusqu'au Karnazad et dans les Plaines des Cend' ! J' te parle pô des citadelles des Terres Brisées, tout l' monde y va."

Il agite ensuite la main gauche de façon un peu dénigrante envers lui-même.

"Ouais, ben d'accord. T'jours en compagnie d'un convoi. J' suis pas capab' comm' toi de m' débrouilller en plein' nature."

Le fait que le mutant ai voyagé en convoi ne formalise pas l'auditeur plus que ça. Par contre, dès que l'homme au trois bras en a terminé, le shaloar reprend en articulant chaque syllabe pour marquer son intérêt sur cette région.

" Les plaines des cendres....

C'est vrai qu'la bas, y a des terres ou y a que d'l'eau ? Enfin, je veux dire, d'l'eau à perte de vue qui recouvre la terre, comme la neige en froide saison dans les montagnes! De l'eau qui coule pas ailleurs comme fait le fleuve ! Tout partout de l'eau, qui recouvre tout, et en toute saison ! Incroyable non !?!

C'est la-bas qui faut j'aille traîner mes poils un d'ces quatre. Faut qu'je vérifie. Mais dis, t'a vue ça toi ? "

Le sujet est d'intérêt car les yeux du prédateur guette les réaction de Vivien.

Vivien fronce les sourcils jusqu'à ce qu'il devine de quoi parle le jeune Shaloar. Il s'esclaffe brièvement au terme des paroles de Grage, puis s'excuse avec une mine contrite quand il prend la parole :

"Aaah ! Tu parles d' la mer !?! Ouais, c'est d' l'eau à perte de vue... mais en plus, elle est salée et elle fait des vagues. Imbuvable, c'te salop'rie..."

Il retrouve rapidement son entrain et déclare avec une joie satisfaite de lui-même :

"Et ouais, j' l'ai vue. Plusieurs fois, même ! A chaque fois que j' gard' une caravane jusqu'à Coranya. Ou même jusqu'à Satoria, d'ailleurs."

Le shaloar opine à plusieurs reprises de la tête, sérieusement attentif aux propos de son interlocuteur. Le sourire du mutant à l'air communicatif, car le sérieux disparaît au profit d'une respectueuse sympathie à la seconde tirade. Avant de répondre, un peu méditatif, le Léodra reprend réflexif essayant d'imaginer la chose :

" La mer... de l'eau salée... dégueulasse... qui fait des vagues.. à perte de vue... "

Puis, sortant de sa torpeur réflexive et reprenant son entrain  

" Des vagues comment ? Grosses, petites ? Elle est salée et acide la flotte ? ou juste salée. On peut s'laver dedans ?Y a des bestiaux à chasser dessus, ou dedans ? T'as marcher dessus, ou dedans ?

Et le feu d'la terre qui passe par les cités. Il crève la flotte en deux aussi ou il passe dessous ? Ou dessus ? "

Bien que le sauveur jette un rapide coup d’œil sur la taverne par réflexe, les oreilles de l'homme félin sont belles et bien orientées sur Viven.

Vivien hausse les épaules tout en répondant :

"Bah... les vagues, ça dépend du temps. Plus y a d' vent, plus elles sont grosses..."

Puis il se met la main devant le peu de bouche visible à travers son casque, l'air de réfléchir. Avant de rapidement la reposer sur le comptoir.

"L'eau est salée, ça c'est sûr. J' l'ai goûtée ! Pour l'acide... j'imagine qu' c'est comme nos cours d'eau : faut pas aller au fond.

Et sinon, j' sais pas si y a des bestiaux d'dans. Et j'ai pas marché d'dans non plus, à cause du risque d'acide...

L' feu d' la terre !?! Ha ! La lave ? Bah, e' s' jette dans la flotte et disparait d'ssous en faisant des mass's de fumée... ah non, d' vapeur qu'ils disent les habitants !"

Son visage s'éclaire subitement :

"Ha ! Et y a aussi les bateaux ! Des constructions de bois qui flottent sur l'eau !"

L'attention est grande des que le mutant se remet à parler. Et l'auditeur ne peut qu'enchainer de façon interrogative :

" Des bateaux qui flottent...!?!"

Le regard de l'homme félin est méfiant, façon amicale, cherchant la blague qui va suivre...

" Cest ça... Des maisons qui flottent... Avec des gens d'dans pendant qu'tu y es... Pour faire quoi, pour aller ou si y a que d'l'eau... Hein ???

Pis l'eau, elle doit bien tomber que'que part ?!? Ils vont pas construire des bateaux pour aller les faire tomber la ou y a plus d'eau...?! "

Sur le ton amicale de celui à qui on ne l'a fait pas

" Allez, crache ta blague, Vivien.

Après un court instant de surprise, le visage de Vivien se rembrunit. Il lâche alors sur un ton aigre :

"Bah, moi, j'en sais rien c' qu'ils y foutent sur leurs bateaux, les gens.

Et puis, si tu m' crois pas, t'auras qu'à aller voir."

Et il hausse les épaules.

Au regard de la réaction de triple étreinte, les soupçons disparaissent et, à nouveau, le sauveur opine plusieurs fois du chef avec une expression d'acceptation.

" Mouais, ça fait partie des choses à faire avant d'me sédentariser, si j'arrive à rester sur place un jour."

Chose dites, le Shaloar passe à toute autre chose après une petite gorgée de bière.

" Toi qu'a traverser le territoire des amazones en convoi, faites comment ?

Parce que moi, j'tombe toujours sur ces furieuses qui veulent jamais causer. Çà s'termine en boucherie. Un gâchis. Alors en convoi...  C'est tellement simple de barrer une route... Sorcellerie ? Ou marchandage ? "

Vivien retrouve son entrain quand il va pour répondre :

"Ah ouais, les amazones ! Heureus'ment qu' la majorité est à pied ! Moi, vers l' sud, j'ai fait qu' des voyages en compagnie d' Mait' des Routes. C'est plus sûr. On rest' pas sur la rout' principale. Et dans tous mes voyages dans l' sud, y a qu' les archers qui ont eu du boulot jusqu'à présent !"

Et il s'esclaffe bruyamment.

Le shaloar sourit bien que la blague ne soit pas vraiment comprise. P'être que son interlocuteur aime se la couler douce tout en étant payé, ce qui peut se comprendre.

" Que les archers.?. Soit doit être chiant, non ? Ca dure longtemps un voyage en caravane vers Kharnazad ? "

Vivien se remet à rigoler. Puis il fait un clin d'oeil à Grage avant de répondre :

"Bah... c'est r'posant ! Mais on doit quand même s' taper la march' à pied...

Et puis, ça prend entr' trois et cinq jours d'aller jusqu'à Karnazad. S'lon la route. Enfin, j' veux dire, s'lon l' temps qu'on reste su' la route !"

Et il s'esclaffe à nouveau.

Le shaloar sourit à nouveau sous l'effet du rire franc du mutant. La curiosité toujours présente, le Léodra poursuis

" Et au Sud de Karnazad et Hermazad, y a quoi ?

Pis Karn et Herm, ça doit avoir un sens particulier, non ? "

Après un rapide coup d'oeil sur la salle, le Léodra regarde à nouveau son interlocuteur.

Le mutant réfléchit un instant avant de répondre, la mine plus sceptique :

"Bah... au sud de Hermazad, y a d' la jungle, à c' qu'on m'a dit. Ça s'rait une sort' d' forêt plus touffue. Et bourrée de bébêtes.

Karn et Herm, mouais, ça a p't-êt' un sens dans leur langue, aux Karnazadims..."

Il en hausse les épaules.

" Une foret bourrée de bébêtes. "

Reprends le carnassier avec un sourire marquant son intérêt de chasseur pour un endroit tel que celui cité.

" Faudra qu'j'y aille aussi, après avoir vue la mer. Ou avant. On verra bien en fonction des opportunités. "

Puis s'apercevant que son flot de questions se tari, et avant que le mutant ne le mette dans l'embarras avec d’éventuelles questions, même s'il ne s'est pas trop montré curieux jusque la, le Shaloar décide de prendre congé amicalement, terminant sa boisson.

" Bon, faut pas que j'traine de trop. Sympa cette rencontre. "

Se préparant à partir et avant le premier pas, de façon toujours amicale, voir amusé.

" Au fait, si tu avais eu l'dessus, tu m'aurais dépecé et vendu au kilo ou j'aurais pu t'en offrir une ? "

La mine un bref instant surprise, Vivien répond avec un léger retard. En s'esclaffant :

"Ah ? Ça vaut d' la thune l' gigot d' Shaloar ?"

Puis avec un geste où il rabat sa main vers le bas, en un signe de laisser tomber :

"Bah... tu sais, j'y ai mêm' pas réfléchi. J' sais mêm' pas c' que j'aurai fait si j'avais gagné. T' vois, j' me r'garde pas dans l' futur. Ma vie peut s'arrêter d'un instant à l'aut' avec un bout d' fer pointu. Alors j' réfléchis pas à c' qui m'attend.

J' prend la vie comme elle vient ! Ell' s'arrêt'ra quand elle voudra."

Le colosse arbore un grand sourire satisfait sur sa dernière phrase.

" Du gigot d'shaloar... "

Répond le guerrier spirituel en s'esclaffant à son tour.

" C'est d'la carne ! Rien d'mieux pour casser les dents des freluquets. ".

Après cette tentative d'humour en lieu public, le sauveur retrouve son aplomb, affichant la sincérité de sa satisfaction.

" J'suis ravi d'avoir fait ta connaissance, Vivien Triple Étreinte. A notre prochain' rencontre, c'est moi qui offre la bière. "

Un signe de tête amical est adressé au mutant, puis un salut martial au tavernier. Ces saluts précédant le pas du départ du massif Léodra qui, pour l'occasion, fait tonner son pas dans l'auberge en se dirigeant vers la sortie. Avant d'avoir franchi la porte, les sens reprennent leur travail d'observation après cet instant de détente.

Vivien lève la main pour saluer le fier Léodra, avant son départ.

"A la prochaine ! J'espère qu'on s'ra tous deux vivants !", clame-t-il tout en rigolant sans arrière-pensée.

Puis il finit tranquillement sa consommation.

En sortant, le massif sortant ne peut s’empêcher de sourire suite à la dernière réflexion de Vivien.

Une fois à l'extérieur, le à nouveau solitaire effectue son panoramique de la situation avant de reprendre son pas rapide en direction de la première armurerie qu'il verra. Puis, après deux à trois enjambées, la direction est prise de l'armurerie fréquentée quand il était lieutenant et champion de l'arène, celle qui lui faisait des remises en échange de visites régulières.

Grage retrouve l'armurerie après quelques détours dans les rues du centre-ville. Il ouvre la porte de la boutique et découvre un vigile appuyé contre le mur intérieur, les bras croisés, qui le fixe. Ce dernier, au visage marqué par diverses blessures plus ou moins profondes, la trentaine d'années, porte une broigne épaisse et une épée courte au côté.

Derrière le comptoir, l'armurier est reconnaissable malgré l'expression peu accueillante qu'il a revêtu aussitôt après avoir identifié l'arrivant.