Et Grage émerge dans les latrines du Mâtin Difficile...

L'enfant rétorque aussitôt, l'air vexé :

"J' suis pas un coursier, mais un messager !"

A l'intérieur, le commerçant a sorti un bâton de cire ainsi qu'un support garni de tampons, et il demande :

"Avez-vous un sceau, ô Sauveur ? Sinon je peux vous proposer un tampon."

Les tampons proposés sont ornés de symboles assez classiques :tête de lion, aigle en piqué, épées entrecroisées, marteau et scie entrecroisées, rouleau de parchemin entouré d'un ruban, fiole entourée d'étincelles, etc...

Répondant du tac o tac au marchand.

" Celui avec les épées croisés fera l'affaire;"

Puis se tournant le coureur

" Je ne me formalise pas de la sorte que l'on m’appelle champion de l'arène, sauveur de la citée ou guerrier, voir trancheur de démons. Sinon, les morts  seraient légions.

Quelle différence fais-tu entre les deux ?  Je t'ai salué et je ne veux pas te manquer de respect."

Tout en courant en rond à l'intérieur du magasin, le gamin d'une douzaine d'années répond avec aplomb :

"Les coursiers, c'est just' des garçons d' course ! Y font les emplettes pour les aut'. C'est des larbins, quoi !

Moi, j' fais partie d' la Guilde des Messagers ! On est des gens importants ! Personn' va aussi vit' que nous pour porter un message ! Et on est les seuls à pouvoir entrer dans tous les quartiers."

Il ponctue d'un hochement de tête convaincu, manifestement fier de lui-même.

Pendant ce temps, le commerçant a plié en trois le morceau de parchemin puis a fait chauffer sa cire avant d'en faire couler une grosse goutte. Il saisit ensuite le tampon désigné par le Léodra noir et l'applique sur la cire chaude. Il souffle ensuite sur la marque du cachet pour la refroidir plus vite.

Le Léodra sourit dignement à l'entente de la formulation des propos. L'idée de faire la courses avec le joggeur lui traverse l'esprit une brève seconde, mais il serait mal venu d'humilier le porteur de la lettre.

" Tes propos t'honorent, messager. C'est la première fois que je fais appel à vos services et je saurai me souvenirs de tes paroles. Tu peux prendre le pli et me suivre pour que je te dise à qui le porter."

Puis, d'une voix plus forte en direction du scribe.

" Salutations, maître de la plume. Ce fut un plaisir."

Puis le noiraud trace de son pas assuré en direction de l'endroit ayant le moins d'oreilles indiscrètes.

Grage quitte donc l'espace de boutiques et change de rues jusqu'à trouver une ruelle isolée et vide. Le gamin l'a accompagné en faisant d'incessants allers-retours au pas de course.

Là, seules des oreilles à l'acuité surnaturelle pourront entendre le musculeux homme-lion s'il parle à voix basse.

Après sa marche rapide dans ce lieu plus discret, le massif guerrier gronde à voix tenue en fixant le joggeur.

« Ce pli est à remettre à Kryss Caranos de la famille Sarzano, il est affecté à la protection d'un petit-neveu de Fabrizio, Nicolo Sarzano.

Une remise en mains propres à Kryss Caranos. Ce pli, je ne te l’ai pas donné, et nul autre que Kryss Caranos a besoin de connaitre sa provenance. Donc tu ne m’identifies pas.

Si Kryss Caranos souhaite répondre rapidement, tu me trouveras assis dans les gradins de l’arène des gladiateurs jusqu’au repas du milieu de journée.

Si c’est bon pour toi, donne-moi ton prix, messager. »

Le guerrier observe autant les alentours que le coureur.

Le gamin s'est mis à courir sur place une fois arrivé dans la ruelle.

Grage ne remarque aucune présence dans les alentours, à part quelques rats qui décampent, et l'impression de danger ne varie pas.

Après les paroles du massif Shaloar, le messager fixe un court instant l'homme-lion comme s'il était en train de se moquer de lui. Puis il a l'air de se rendre compte que le Léodra noir est sérieux, alors il répond vivement à voix basse :

"Discrétion assurée. J' s'rai muet comme une tombe. Mais ça coûte 1 Couronne !

Et puis des arènes d' gladiateurs, y en a 4. Et puis pour aller su' les gradins d' n'importe laquelle, faut payer l'entrée. Alors va falloir trouver aut' chose pour l' point d' retour."

" Quatre arènes de gladiateurs. Ah... Bon, ben tu proposes quoi pour en cas de message retour. Le plus simple pour toi dans ce quartier ?"

En attendant la réponse, toujours vigilant, Grage prépare 20 beuzan comme il a l'habitude de le faire, à l'aide de sa Pogne. Puis il en rajoute cinq.

Le gamin, torse nu et en sueur, retourne en courant à l'entrée de la ruelle et indique la direction d'où Grage et lui proviennent.

"Bah... à la taverne d' là-bas. C'est l' plus simp'. Au moins, vous pourrez boire un coup en attendant. Ou alors ici, si ça vous emmerd' pas d' poireauter."

Puis il revient, toujours au pas de course pour faire ensuite du sur place et sortir sa bourse de l'intérieur de sa culotte bouffante.

Grage a maintenant suffisamment côtoyé le messager pour pouvoir reconnaitre à coup sûr le parfum de sa drogue dans la sueur.

" Va pour la taverne, messager ! Et tiens."

Grage donne les 25 beuSanTS au jogger.

" Le surplus, c'est pour avoir écorcher ton titre sans le vouloir. Une fois que tu lui as remis la lettre en main propre, demande à Kryss Caranos s'il y a besoin d'une réponse après lecture. Et si oui, il ne faut pas qu'il traîne. Bonne course. "

Puis le Shaloar observe le coursier s'en aller tout en mesurant sa vitesse pour la comparer à la sienne.

Le gamin prend la monnaie au fur et à mesure pour en ranger vingt pièces dans sa bourse, puis il place le reste dans une poche. Ceci fait, il répond avec toujours le même aplomb, complètement exempt de la crainte que les Shaloars exercent généralement sur les humains :

"Nous, les messagers, ont apportent les messages écrits, pas parlés ! Pas d' risques qu'on s' trompe ! J' peux quand même d'mander si y veut donner une réponse, vot' Caranos. Ça, c'est sûr. Mais y d'vra payer pour que j' vous la rapporte."

Et le gamin continue à courir sur place pour vérifier si son client velu a quelque chose à répondre.

Le noiraud opine du chef suite à la réponse du joggeur.

" C'est bon pour moi."

Avec une pointe de sourire carnassièrement satisfait juste après la mention de -y d'vra payer pour ça -. Puis le noiraud s’apprête à effectuer son exercice d'évaluation de la vitesse du joggeur.

Le gamin part ensuite en trombe. Il atteint rapidement son effarante vitesse de croisière, que Grage estime à plus du double de celle d'un cheval au triple galop. Il lui faudrait user des pouvoirs du Dragon pour pouvoir le rattraper et le dépasser...

Après avoir mesuré la vitesse du messager, avec un sourire en coin, le massif Shaloar fait un panoramique de ses sens. Après quoi, le secteur est arpenté avec méthodologie à la recherche du meilleur angle pour voir le coursier arriver dans la taverne, accompagné d’éventuels poursuivants.

Dans son évaluation, le guerrier prend en compte la possibilité que le poursuivant du coursier, s'il y en a, ne soit autre qu'un démon brumeux difficile à percevoir. Grage prévoit donc une vue aérienne. Le temps nécessaire est pris et les gens du quartier sont observés aussi.

Le point d'observation le plus approprié n'est pas difficile à trouver : il s'agit du toit le plus haut situé dans la même rue que la taverne.

Celle-ci porte le nom de la Taverne du Joyeux Pourceau et ne paie pas de mine. Sa façade fait décrépie et aurait bien besoin d'un coup de peinture. En ce début de matinée, elle semble fermée.

Pendant son observation du quartier, Grage constate que les commères se pressent de faire leurs quelques courses pendant le matin, alors que les rues manquent d'activité. Elles ne s'attardent pas à découvert et le jeune Léodra peut remarquer qu'une dizaine d'entre elles se sont réunies dans une maison sans enseigne après leurs emplettes. Les commérages ne se font clairement pas dans la rue.

Par contre, quelques hommes âgés et désœuvrés osent rester dans la zone des commerces et conversent superficiellement avec les miliciens présents. Vu la fréquente orientation des regards, ils attendent l'ouverture de l'estaminet.

Une fois les observations terminées, le massif guerrier cherche le moyen le plus sur et le moins visible pour atteindre ce point d'observation. Le grand poilu ne se presse pas, préférant patienter et initier son entreprise en même temps que l’ouverture du débit de boisson qui, normalement, devrait attirer les attentions.

Précautionneux, le shaloar prendra le temps de s'accoutumer à son perchoir pour observer les alentours. Tout ce qui brille ou peut attirer le regard facilement est masqué sous la cape, et la cape rougeâtre, de bonne qualité, sera retournée au profit d'une couleur plus gris terne si ce côté se fond mieux dans le décor.

Grage a tout son temps devant lui : le troquet ne se décide à ouvrir qu'en fin de matinée. Le jeune Léodra peut en profiter pour escalader une demeure en mauvais état dont les rafistolages de fortune fournissent de nombreuses prises. Une fois sur les toits, il garde sa cape du côté rouge - qui se fond mieux avec la couleur des tuiles - et rejoint discrètement son poste d'observation.

Juste à temps pour repérer au loin l'approche d'un coureur de petite taille anormalement rapide. Il reconnait bientôt son messager, lancé à pleine vitesse.

Pendant son court périple jusqu'à la taverne, l'Eclaireur-Dragon a le temps de déceler la présence d'une filature, comme il s'y attendait. Un être indistinct et brumeux, faisant moins d'un mètre de long, se coule à haute vitesse le long des bords de toit à la suite du messager.

Le noiraud fait appel à ses pouvoirs totémiques :

Augmentation Force, Adresse, Rapidité, Perception, Volonté

Une fois activé, l’alpiniste assure ses premières perceptions, fais une estimation rapide de la vitesse des cibles, du terrain, du nombre de badauds gêneurs, et surtout, cherche à percevoir si la créatures est tangible ou si elle traverse les objets qui la dérange avec toutes les parties de son corps.

La vitesse du messager est similaire à celle qu'il a montrée à son départ : plus du double de la vitesse d'un cheval au triple galop.

Son discret poursuivant va exactement à la même vitesse, restant vingt bons mètres en arrière. Tout son corps ondule et se déforme à la façon de vapeurs. Il ressemble à un humanoïde doté de quatre bras, avec une tête sans cou enfoncée entre les épaules, telle une demie-sphère, et sans jambes, n'ayant qu'une espèce de traine brumeuse à la place. Il n'a manifestement pas besoin d'appuis pour progresser et semble glisser sur le rebord des toits. Il est clair qu'il parait bien peu consistant.

Le terrain consiste en une ligne plus ou moins droite bordée de bâtiments aux façades et aux hauteurs irrégulières plus généralement connu sous la dénomination de "rue".

Comme l'heure s'approche du zénith, les rues ont commencé à se remplir mais elles sont encore loin de contenir les foules des après-midis. Il est aisé pour les badauds de s'éviter et de garder des distances de sécurité de plusieurs mètres.

Si le messager et la forme brumeuse ne sont pas suivis, Grage décampe le plus rapidement possible et le plus discrètement possible, surtout aux yeux des arrivants de sa position. Aidé par ses pouvoirs totémique, le poilu émet l'hypothèse que si le messager ne le trouve pas dans la caverne, il ira jeter un œil dans la ruelle de départ.

Le guerrier spirituel se dirige donc vers l'endroit ou le coursier et lui se sont quittés, à la recherche d'un récipient le plus étanche possible pouvant contenir la forme brumeuse, espérant trouver fortune sur son chemin.

Sur le chemin, les seuls récipients accessibles sont des poubelles, déjà plus ou moins garnies vu les fumets malodorants qui s'en dégagent.

Et Grage a vu juste : quelques instants plus tard, le gamin arrive à fond de train dans la ruelle prévue.

Rapidement également, le massif guerrier s'est emparé d'une poubelle en bon état, ou la moins pire, pour l'embarquer et l'a retournée pour la vider grossièrement à l'abri des regards.

Fort de ses capacités améliorées, le noiraud se prépare à surprendre la forme vaporeuse au moment opportun pour l'enfermer dans la poubelle et se servir du sol comme couvercle ensuite.

L'embuscade va se dérouler à l'entrée de la ruelle, quand la forme brumeuse ne sera plus à l'abri des toits et avant qu'elle ne le soit. La poubelle va être utilisée comme un filet à papillon. La capture doit être aussi brève que courte, c'est ce qu'espère le noiraud, afin d'être le moins remarqué par les badauds des rues. Les capacités accrues du guerrier vont aider en cas d'aléas de trajectoire déviée de la forme brumeuse, ou tout autre chose.

Bloqué contre le mur qui offre le meilleur couvert, le sauveur espère que le coursier élancé mettra un certain temps avant de réaliser que l'homme lion est la ou on ne s'attend pas à le voir, et donc s’arrêter. Des secondes précieuses que l'homme félin va utiliser, connaissant le temps qui sépare les deux êtres dans leur progression rapide.

Le champion va se servir de sa vitesse accrue pour foncer dans la ruelle si la créature est enfermée dedans et observer si elle y reste. Si c'est le cas, la poubelle sera posée côté ouvert sur le sol, proche de quelque chose de lourd qui pourra servir de leste une fois posé sur le cul du récipient transformé en prison de fortune pour la chose à quatre bras.

La rapidité de l'action est aussi une motivation chez le guerrier qui souhaite que la forme brumeuse ne puisse le voir avant d'être enfermée.

Si l'opération fonctionne, la masse de l'homme lion sera posée sur la poubelle pour que celle ci ne se soulève pas. Sachant que l'opération va attirer le regard du coursier, le noiraud l'invitera au silence en plaçant son index sur sa gueule.

Bien entendu, le gros chat observe la poubelle avec grande attention si la forme brumeuse est à l'intérieur. Le moindre orifice étant une possibilité de sortie. Le possesseur du bracelet de feu activable se tient prêt.

Caché derrière le coin de mur de la ruelle, Grage entend distinctement les pas du messager ralentir avant le croisement. Par contre, l'entité brumeuse ne produit aucun son pendant ses déplacements, rendant impossible sa localisation exacte. Le massif prédateur ne peut qu'évaluer la progression de sa proie d'après sa vitesse.

C'est donc à un rythme de petit trot à peine plus rapide qu'une marche que le gamin arrive devant la ruelle.

Il jette alors un regard étonné vers le Léodra noir, alors que la surprise de voir un Shaloar embusqué à côté de soi provoque généralement un mouvement de panique chez les humains.

Et sans se démonter, il tend un morceau de parchemin plié et cacheté :

"Pour vous !"

Grage est prêt à bondir, la forme brumeuse devrait surgir au niveau du bord du toit... mais rien. Puis il aperçoit l'entité qui se dissimule derrière le haut du toit d'en face, de l'autre côté de la rue transversale à la ruelle.

Sans perdre de sa superbe, malgré la situation et le bouillonnement intérieur, le noiraud garde la poubelle dans une main et prend le papier dans l'autre tout en répondant :

"Merci. Et n'avance pas dans cette ruelle."

Puis le noiraud pose la poubelle coté ouvert sur le sol, pose son cul dessus et ouvre le parchemin plié et cacheté sans plus attendre, profitant des ses capacités encore actives en cas de besoin ou de sensation de danger. Le guerrier se sert de sa cape pour empêcher toute lecture par une autre personne, de travers ou de dessus.

Le messager commence alors à faire des allers et retours dans la rue transversale, à petites foulées.

Dès que Grage a saisi le morceau de parchemin, la créature brumeuse a détalé. Elle a filé à une vitesse bien trois fois plus élevée que celle du gamin, commençant par prendre de la hauteur au-dessus des toits et fonçant ensuite dans une direction que le jeune Shaloar peut reconnaitre comme étant celle du quartier Sarzano.

Une fois assis sur sa poubelle, le puissant guerrier décachette le pli. A l'intérieur, sans surprise, un message manuscrit :

"Bien le bonjour.

Je suis navré mais le point de rencontre proposé me semble peu adéquat pour une véritable conversation privée. Je vous laisse donc me donner un autre rendez-vous propice à ma venue secrète et à l'écart des attentions indiscrètes. Le messager que vous m'avez envoyé a déjà été rétribué pour porter votre éventuelle réponse.

En attendant de vos rapides nouvelles.

Kryss Caranos

P.S.: j'espère que vous ne me tiendrez pas rigueur du fait d'avoir envoyé un de mes serviteurs vérifier l'identité de celui qui ne sait pas signer ses missives de façon correcte."