Dès qu'il commence à sprinter,

" Salut "

Gronde le Léodra sans entrain, progressant à la façon d'un jeune renfrogné. Tellement bougon et ruminant ses mauvaises pensées que la direction de l'escalier est prise sans passer par le comptoir et la prise de clefs.

"Seigneur ?"

L'appel à voix mesurée sort Grage de ses sombres pensées, alors qu'il se rapproche de l'escalier. La voix féminine de Mashrani est légèrement moins agréable que d'ordinaire. Et pourtant familier. Quand le jeune Léodra tourne le regard vers la préposée au comptoir, il reconnait la femme-panthère tachetée qui est venue un court moment dans sa chambre.

Celle-ci a le regard tourné vers lui, avec une attitude mêlant désir d'intervention et légère crainte.

Le regard du bougon pivote sur la panthère et, quasiment aussitôt, la mauvaiseté disparaît au profit d'une expression plus souriante et amicale. Faisant marche vers le comptoir, le jeunot va même jusqu'à retirer son casque et libérer sa crinière en s'approchant. Les premières paroles spontanées

" Salut, comment va... "

se stoppent avant de reprendre avec la bienséance qu'impose par le lieu, et un aplomb plus digne d'apparence

" Salutations, Comment puis-je vous aider ? "

Le solitaire, bien qu'encore sous tension, se montre naturellement agréable avec son interlocutrice.

La Mashrani perd alors quasi aussitôt son air craintif et sourit agréablement au jeune Léodra. Elle déclare alors :

"Je ne sais ce que vous désiriez accomplir, seigneur, mais si vous vous rendiez dans votre chambre... votre clef est toujours ici", indiquant alors le présentoir derrière elle.

"Et si vous ne comptiez pas aller dans votre chambre, je suis désolée, mais la promenade dans les étages est interdite aux clients sans clef."

Le jeunot, aux douces manières pour un léodra, souris aimablement et répond avec un air faussement hautain et intérieurement amusé :

" Je doute que, même avec une clef, je puisse me promener librement dans les étages."

Puis, de façon plus sérieuse, le guerrier reprend

" Et a vrai dire, je n'en n'ai pas envie. Ce n'est pas mon territoire.

Il est une chose que j'apprécie grandement en ce lieu. Les choses sont dites, ce qui me permet de respecter ce territoire qui n'est pas le mien une fois que je sais. Contrairement à l'Estaminet de la discrète ou le portier m'a juste regardé derrière son voile, sans rien me dire, pendant un long moment, avant de refermer son judas sans m'ouvrir. A n'y rien comprendre.

Se battre pour la cité et s'en voir fermer les portes. C'est... Déroutant. "

Le shaloar laisse paraître dignement son incompréhension, avec une pointe d'amertume, observant les réactions de la Shaloarani.

Dès la première phrase du Léodra noir, la jeune Mashrani affiche un regard perplexe, même si le reste de son museau reste simplement aimable.

Elle écoute avec attention la suite et, à nouveau, seule la perplexité émane de la jeune femme-panthère. Après un court délai, elle répond, pleinement interrogative :

"Seigneur... avez-vous dit quelque chose au portier ?"

Conservant son aplomb digne, le jeunot redresse légèrement la tête en arrière, sérieusement interrogatif et avec la réplique naturelle :

" Non. "

Puis, toujours sérieux, mais avec une agréable décontraction et avec le sourire de l'évidence :

" Comme partout, c'est le portier qui pose les conditions. "

La Mashrani panthère peut clairement deviner qu'elle vient d'éveiller la curiosité du sauveur, et que l'intérêt pour la conversation se fait grandissant.

Lors de la réponse "évidente" du jeune Léodra, la Mashrani ne peut s'empêcher de rejeter vivement la tête en arrière, de surprise. Après ce bref mouvement, elle se reprend et demande aussitôt :

"Mais, seigneur... où avez-vous donc appris ce principe ?

Toujours est-il qu'il n'a pas cours à Tradisgantia. De plus, à ma connaissance, les portiers de l'Estaminet de la Discrète sont des Kosruuzis. Et ils n'apprécient que peu les réactions des autres peuples à l'entente de leur voix nasillarde. Aussi parlent-ils aussi peu que possible..."

La voix de la jeune femme-panthère faiblit au fur et à mesure de son discours, tandis qu'elle vérifie du regard les réactions de son interlocuteur, avec une certaine crainte.

Le jeunot observateur constate que la femme panthère, malgré ses nobles manières, à le verbe rude et direct. Cependant, comme elle faibli en fin de discours, le sauveur tente une approche différente pour essayer de créer un climat plus ouvert sans se formaliser des pics.

Au contraire, le sauveur s'approche de quelques centimètres supplémentaire avec un intérêt certain, penche légèrement son buste et gronde d'une façon plus douce, cherchant à créer un climat de connivence sans exagération :

"  Des Kosruuzis... Ah... J'comprends mieux le silence maintenant. Mais que faut il faire pour pouvoir entrer ?  "

Le regard du gros minou aux manières amicales et respectueuses se fait interrogatif et reconnaissant des premières informations reçues.

"Heu... et bien... il suffit de demander", répond benoitement la jeune Mashrani au pelage ocre tacheté de noir.

Manifestement, elle ne semble pas comprendre le Léodra noir qui lui fait face et semble craindre un brusque passage à la colère.

" Mais ... Mais... !?! "

Reprend le shaloar d'un grondement stupéfait

" Mais si je frappe à la porte d'une taverne, c'est pas pour faire affûter mes lames ou m'faire coiffer la crinière !?! "

Le sauveur se redresse et pose ses poings fermés sur ses hanches

" Ils ont l'esprit  et les manières tout aussi nasillards que leur voix ces Kosruuzis ! "

Le ton a effectivement gagné un cran, mais c'est avec un mépris dirigé à la peuplade citée que l'ex lieutenant s'exprime.

" Y a pas qu'à la porte que j'vais aller frapper moi ! Ca leur apprendra les bonnes manières. "

Sur ces dernières paroles, le jeunot enfile son casque et observe son interlocutrice avec l'envie d'en découdre.

La jeune Mashrani allait pour répondre quelque chose mais finalement s'abstient en contemplant l'expression du Léodra noir. Elle finit par simplement dire :

"Bonne route, seigneur."

Bien qu'emporté dans sa tension naissante, le shaloar toise la mashrani avec fierté et reconnaissance

" Merci à toi, bonne soirée !"

Puis, d'un pas décidé, le shaloar se dirige vers la porte de sortie.

Le Semi-Géant, toujours posté au côté de la porte de sortie, ouvre l'issue lors de l'approche du fier Léodra. Il incline poliment la tête sur son passage et referme la dite porte derrière Grage.

La nuit est tombée à l'extérieur. Les passants sont désormais rares.

C'est fièrement, et avec une vivacité retrouvée que le Léodra quitte l'hostellerie, sans oublier un bref signe de tête courtois au portier. Le rendez-vous étant fixé après le crépuscule, sans autre forme de précision, le solitaire effectue son panoramique à la recherche de ses poursuivants et d'éventuels autres personnes indésirables.

Poursuivants ou non, le guerrier file en direction de l'est pour vérifier ses perceptions concernant sa filature. Le pas est vif comme à l'habitude. Et si poursuivants il y a, le sauveur va tout faire pour les semer au moment opportuns, usant de ses techniques habituelles, sprint, escalade rapide + passage par toits si besoin, ruelles étroites. comme il fait nuit, le Léora use de sa vision nocturne et de son sens des dangers pour éviter d'éventuels soucis sur son chemin.

Si tout se passe bien, et après vérification qu'aucune filature n'est en cours, la direction de l'Estaminet est prise toujours d'un pas très rapide.

La technique de fuite de Grage prouve une nouvelle fois son efficacité : après son échappée, le furtif Shaloar ne détecte plus ses quatre poursuivants.

Et peu de temps après, il se retrouve en vue de la porte renforcée et surmontée d'une simple enseigne représentant une femme voilée.

Le massif guerrier va à la porte et, après un panoramique de vigilance, frappe trois coups secs, pas trop fort sur la massive porte.

La vérification des alentours ne révèle rien de pertinent : la rue est vide sur plus de cent mètres à vue.

A nouveau, le judas s'ouvre et laisse apparaître deux yeux verts entourés de peau littéralement blanche et d'étoffe. Et à nouveau, l'individu attend sans dire un mot, fixant le Léodra noir qui lui fait face.

Le jeune Léodra fait confiance à la femme panthère et, dès que le judas s'ouvre, la voix gronde modérément.

" Bonsoir, je souhaite entrer. "

Puis, le jeune patiente, observateur, curieux de savoir si cela suffira.

Les yeux verts fixent attentivement le Shaloar, puis le volet se referme.

Et Grage entend avec soulagement des madriers glisser et se déplacer, puis la clef tourner dans la serrure. La porte s'ouvre lentement.

Derrière l'issue apparait une grande pièce de quatre mètres de large sur au moins six mètres de long. Trois hommes se tiennent à distance, devant le mur du fond traversé par une issue close par une porte. Les trois individus sont vêtus de la même manière : des protections de cuir surmontant du linge de corps et d'une cape enveloppante ouverte, le tout teinté en noir. Ils portent tous trois six lames dans leur dos. Les trois hères ont manifestement des gants aux mains, noirs eux aussi, qu'ils utilisent pour communiquer : ils indiquent tous trois simultanément d'un index le mur de droite.

Contre lequel se trouve de nombreuses étagères où quelques unes sont déjà occupées par des armes plus ou moins volumineuses : de la dague à la hache à deux mains. A première vue, toutes les armes présentes sont de qualité, et la majorité dispose d'enluminures ou de décorations.

Le travail du portier est toujours facilité par la façon dont l'invité fait son entrée. Dès qu'il perçoit le signe simultané des mains, le jeune Léodra ne peut s’empêcher de confirmer cette pensée par l'évidence qu'il s'agit bien la de Kosruuzis. En vertu de quoi, le solitaire fait le vide dans sa tête juste après un bref salut martial de la tête aux personnes présentes.

Regardant le présentoir, le guerrier à un regard appréciateur sur les belles armes, surtout celles de qualités et dont les enluminures ne sont pas que pour l'apparat. Le présentoir à belles armes à aussi pour vertu de rassurer sa séparation avec les siennes. Le temps est pris pour placer ses armes avec soin en les saisissant par les lanières, dans des mouvements mesurables,en les plaçant dans un casier vide, de préférence en hauteur.

Une fois que le jeunot en a terminé, et de sa curiosité, et de son déballage de toutes ses armes, un mouvement pivot est fait pour attendre la consigne visuelle suivante.

Dès que Grage a commencé à déposer les armes, les madriers se mettent à flotter à côté de la porte qui se referme rapidement et seule. Le verrou tourne de lui-même et les lourds madriers se remettent en place.

Le seul mouvement discernable de la part des trois autres personnes présentes a été de baisser le bras droit pour le ramener le long du corps, comme le bras gauche.

Quand le fier Léodra en a terminé de son déballage, qui est manifestement celui qui contient le plus grand nombre d'armes, l'individu du centre se décale contre le mur de gauche pour laisser l'accès à la porte centrale du mur du fond.

Avec un regard de biais, le curieux félin n'a pu s’empêcher, à nouveau et en voyant les madriers flotter, penser que, si ceux ne sont pas des Kosruuzis, cela y ressemble grandement. L'utilisation de cette capacité pour le confort et la sécurité est astucieusement pratique au regard du visiteur. La fermeture de la porte permet de conserver les mains libres en cas de combat.

Non seulement, Grage admire son casier par le nombre d'armes contenus, mais aussi parce qu'il possède la plus belle. Et de ce fait, le pivot se fait le buste bien droit et l'expression satisfaite.

Celui qui se décale est salué d'un bref signe de tête et le sauveur se dirige vers la porte centrale du mur du fond. dignement prudent, l'esprit vacille entre curiosité de découvrir et méfiance par le vide d'esprit.

Après avoir ouvert la porte, Grage débouche dans une longue salle de près d'une dizaine de mètres, sur une largeur de trois mètres. Et uniquement éclairée par une lampe posée sur le comptoir à l'autre bout de la pièce. La vision du Shaloar s'adapte au manque de lumière, et il peut rapidement distinguer les couloirs de chaque côté, bordant le mur qu'il vient de passer.

Des rideaux indiquent la présence de six ouvertures, trois se faisant face de chaque côté. Accrochées au côté de chaque ouverture sauf deux d'entre elles - les plus éloignées -, des bouquets de fleurs factices en tissu sont la seule décoration égayant les lieux.

Une femme mûre d'une trentaine d'années, fine, à la peau blanche comme la craie, les cheveux bruns proches du noir attend derrière le comptoir éclairé, vêtue d'une robe à dentelle totalement noire. Quelque part, la tenue rappelle celle de la femme de l'enseigne. De nombreuses bouteilles et flasques attendent contre le mur derrière elle.

A l'entrée de la pièce, le solitaire se stoppe. Ne voyant âme qui vive en ce lieu, hormis la fine serveuse, une méfiante interrogation, instinctive, se dessine sur le visage du carnassier qui ne s'attendait pas ça.

Ne pas faire de bruits, c'est une façon de respecter ce lieu, tout comme faire tonner son pas reviendrait à honorer ce lieu de la présence du sauveur. Entre les deux options, et pour cette première fois, le chasseur opte pour une approche feutrée.

La tête du prédateur pivote de droite à gauche et, à chaque pas, quand il s'approche du comptoir, conservant le vide dans son esprit, à l’affût de bruits et/ou d'odeur.

Arrivée au comptoir, le Léodra adresse un salut de la tête à la serveuse, courtoisement martial, convaincu que celle ci aussi restera muette. Après quoi, c'est un digne levé de menton, l'expression interrogative, qui est adressé à la trentenaire en noir. Le shaloar s'impose une digne retenue dans son geste pour qu'en aucun cas, il ne soit interprété comme une provocation.