Grage arrive en fin d'après-midi...

Jérémiah hausse un sourcil :

"Ha ?"

Il ajoute avec un sourire :

"Je peux néanmoins t'assurer que Ssklekalac ne lit pas les pensées à la façon d'un Kosruuzi. Par contre, il est étonnamment fin et perspicace. Le fait d'être un Kerlèksèss le rend également plus difficile à déchiffrer. Enfin... c'est mon interprétation. Je connais de fait trop peu de Kerlèksèss pour pouvoir faire une règle générale."

La dernière phrase a été dite sur un ton rieur. Il poursuit ensuite plus sérieusement :

"Je dois néanmoins te prévenir que Ssklekalac est très méfiant et qu'il n'apprécie guère la plupart des Shaloars. Sans doute parce qu'ils sont bien souvent de cheville avec les Grandes Familles. Donc si tu m'accompagnes, il parlera moins. Il est même possible qu'il cache son amitié envers moi. Il est en tout cas certain que j'en apprendrai plus si je le rencontre seul.

Tout est ensuite question d'urgence. Que considères-tu comme le plus pressé ? Le fait que j'en apprenne sur la situation de Tradisgantia ou que tu assouvisses ta curiosité ?"

" Mouais. "

répond le sauveur un peu résigné.

" Si tu l'dis, alors, je vais laisser mon épée au fourreau. Je suis juste pressé d'avoir sa vision des choses pour rentrer faire mon rapport de situation. "

Puis, avec un sourire amusé par ce qui suit

" Perspicace... Perspicace... Dire que je hâté mon départ alors que Ssklekalac me proposait de faire connaissance. Je disposais de peu de temps pour venir te voir, mais je suis parti de façon précipitée autant par méfiance que par empressement. J'espère qu'il ne va pas trop se moquer quand tu vas lui dire. J'aurai bien aimé papoter avec le tonton de Kajira, pour qu'il me raconte des petits secrets sur ma protégée, histoire de pouvoir la taquiner à notre prochaine rencontre. Rien qu'une petite histoire bien velue pour provoquer un saut d'humeur à la petite larve à capuche tout en lui faisant entendre que tout va bien.

Mais bon, se sera pour une prochaine fois. "

Jérémiah semble un court instant étonné, puis il demande :

"Petite larve à capuche... mais, dis moi, où as-tu entendu cette expression ?"

" Ah, mince. T'es pas au courant. "

Repond le shaloar surpris également,

" Le patriarche de la gaffe, c'est moi.

C'est un p'tit nom sympa entre Kajira et Ssklekalac. Bien trouvé non ? Tu dis rien. Hein ? "

C'est symphatiquement suppliant que le jeune regarde le borgne.

Jérémiah sourit, avec un air vaguement supérieur. Puis il redevient tranquille et se contente de dire :

"Je connais bien ce surnom que Ssklekalac donnait parfois à ma fille. Ce qui m'étonnait est que tu utilises cette formulation. Mais tu viens de m'en donner l'explication.

La question qui persiste est : comment en as-tu été informé ?"

" Comment ?!? "

Le Léodra fixe l'inquisiteur surpris, puis répond un peu dubitatif face à l'évidence de la réponse   : .

" Bah, parce que Kajira qui m'l'a dit .!.  "

Un haussement prolongé des épaules avec des paumes de mains qui s'ouvrent vers le ciel.

En conservant une mine blasée, le borgne ajoute :

"La question suivante est donc : à quel moment ?"

La jeune souri, se retient de rire, puis se lache à un petit rire amusé et non moqueur. Une fois temriné de rire, le guerrier reprend amicalement

" C'est seulement maintenant que tu me poses la question ! Il t'en a fallu du temps. Ta fille t'a vu en parfait petit maraudeur, elle a vu le crotal et le blondinet. D'ailleurs, en p'tit maraudeur, elle n'en revenais pas. Par fierté, elle a fait celle qui t'avait reconnu, mais je suis sur du contraire."

Après l'évocation de ces souvenirs amusant pour le massif parleur, le ton redevient amicalement.posé

" Elle ne t'a pas vu quand tu étais en geole. Je n'ai pas voulu l'inquiéter plus que de raison.

Honnètement, j'ai eu envie de te le dire à plusieurs reprises, mais je ne savais pas comment tu allais le prendre. Les prophètes ont leur secret. Alors, ne me demande pas comment nous faisons. J'estime que c'est à Kajira de t'en informer. Sache simplement que je ne suis pas Léodra à dire que ta fille se porte bien si je ne peux m'en assurer. "

L'homme lion marque une petite pause avec un regard franc et direct pour appuyer son propos final.

" Pour répondre à ta question, j'ai du passer pour un shaloar bizarre devant Ssklekalac. Les conditions n'étaient pas réunies pour une communication parfaite. J'ai du gagner du temps, n'étant un bon comédien, jusqu'à ce que Kajira me confie ce détail, larve à capuche, pour gagner la confiance de ton ami.

Ensuite, j'ai pu connaitre l'adresse du lieux ou tu m'avais donné rendez-vous, l'estaminet de la discrete. Ton ami m'a aussi confirmé que le papier était bien de ton écriture, et que la rédaction ne s'est pas faite sous la contrainte.

Voila, maintenant tu sais, et inutile de reformuler à voix haute.

Seulement, en venant chez toi ce matin, j'ai fait un bout de route avec un allié. Et chemin faisant, j'ai appris que nos échanges peuvent potentiellement être interceptés, entendue, comme quelqu'un qui écoute aux portes. Alors depuis ce matin, j'ai décidé de faire silence jusqu'à ce que je vérifie cette information. Je t'affirme qu'elle se portait bien hier, quand j'ai rencontré Ssklekalac.

Le porteur de l'épée légendaire oserve les réactions de son interlocuteur

Jérémiah a froncé un temps les sourcils pendant les explications de Grage, puis il reprend le sourire avec une mine blasée.

"Et bien, je ne suis pas au bout de mes surprises..."

Puis, seul le sourire reste.

"Bon, puisque tu as déjà été présenté à Ssklekalac, peut-être souhaites tu partager avec lui notre amitié ? Cela me facilitera les choses. Dans ce cas, il serait tout à fait avisé que tu m'accompagnes chez lui."

Le Léodra affiche un sourire plaisant et décontracté formulant posément :

" Tu es plus avisé que moi pour savoir. Quel que soit ton choix, ta proposition à elle seule me ravie. "

Le massif plaisantin laisse passer quelques secondes avant se se dresser vivement sur ses deux jambes et annoncer vivement avec l'évidence de se qui se qui est vécu comme une récompense :

" Bon, cul sec ton infusion, et on y va ! Je te tiendrais par le bras si tu ne peux marcher droit. "

Jérémiah a à nouveau un sourire blasé :

"Nul besoin ! J'ai pu me reposer au chaud pendant le mauvais temps."

Il termine sa tasse et annonce tranquillement :

"Quand tu te sentiras prêt."

" Je le suis toujours. "

reprend rapidement le jeune shaloar avec entrain. Et sans perdre de temps, l'homme lion.se dirige vers la porte de la pièce et l'ouvre et attend que le maitre des routes se lève pour poursuivre sa progression vers la sortie..

"Parfait", se contente de commenter le borgne, qui se lève de sa chaise pour se diriger vers le couloir.

Là, il appelle "Géralt !", son domestique, pour lui annoncer qu'il sort en compagnie de Grage Niark et qu'il ne doit rien préparer en avance pour son repas du soir.

Puis Géralt va ouvrir la porte de la demeure et s'incline sur le passage des deux sortants.

Ensuite, Jérémiah avance d'un bon pas parmi les rues et ruelles vides du vaste quartier des indépendants. Il ne croise que quelques rares passants. Certains sont harnachés de lourdes protections et d'une profusion d'armes. Parmi eux, quelques uns semblent chercher leur chemin, mais n'interrogent personne. Une troupe de gardes est également croisée, dont certains saluent. Conservant sa vive allure, il traverse le pont au-dessus du fleuve et marche jusqu'à atteindre la Rue des Douces Effluves, toujours vide et envahie d'odeurs parfumées parfois étranges.

Là, le Maitre des Routes se dirige directement vers la boutique "Chez Ssklekalac" et frappe vivement à la porte close.

En sortant, le domestique est salué de la tête.

Silencieux et observateur, le shaloar à suivi le maitre des routes respectant son pas. L'itinéraire est mémorisé, ainsi que la façon de dont se dirige le guide, car le massif suiveur ne présume pas que la destination est la parfumerie.

Les odeurs chargées des parfumeries font un peu grimacer le prédateur qui attend patiemment, une fois que le borgne a frappé, que la porte de la boutique s'ouvre, vigilant.

Grage constate vite que les alentours sont toujours vides. Personne à part Jérémiah et lui ne se trouvent dans la rue. Et aucune présence ne se manifeste sur les toits. Même les oiseaux et les chats ne semblent pas favoriser ce quartier odoriférant.

Le judas s'ouvre et se referme peu après. Puis la porte est ouverte, dévoilant un Semi-Géant porteur d'une armure légère et d'un casque métalliques, armé d'un bec de faucon. Il stoppe ses mouvements quand il remarque la proximité du Léodra noir, prenant instinctivement une position de garde peu démonstrative.

Jérémiah indique aussitôt à voix faible :

"Grage Niark m'accompagne. Laisse-nous entrer, Jjromsk."

Le Semi-Géant laisse échapper un petit soupir et s'écarte sur la gauche pour laisser le passage, avec un petit sourire.

Le borgne s'avance sans attendre, d'un pas pressé. Il rejoint la porte d'en face et l'ouvre sans préambule, n'éveillant aucune protestation chez le colossal gardien. Jérémiah passe la porte et tourne à droite.

Le sauveur patient reste vigilant et, laissant la bienscéance à Jérémiah, s'engoufre dans la parfumerie rapidement en le suivant, faisant tout pour faciliter le passage du portier, une fois à l'intérieur, laissant le borgne aller, le guerrier lui s'arrète et patiente jusqu'à fermeture de la porte avant de gronder :

" Salut Jjromsk. tu veux mes armes ? "

Les réactions du gardien sont guettées.

Jjromsk ferme la porte d'une main puis profite de la place libérée pour tout refermer et replacer une grosse barre métallique pour maintenir l'issue close.

Le Semi-Géant prend alors une attitude plus désinvolte, s'appuyant contre un mur comme pour se reposer. Il croise les bras et indique :

"Uniquement si tu tiens à me les laisser."

" Ah...

Tant j'peux les garder, j'les garde. Merci "

Sans rien ajouter d'autre, le guerrier armé emprunte le même chemin que Jérémiah sans chercher à le rattrapper. Le pas est donc assuré et, même si les lieux sont connus, le prédateur n'en reste pas moins vigilant.

Grage passe la porte. Il peut à nouveau voir qu'au bout de deux mètres sur la gauche le couloir donne sur une ouverture où pend un rideau de perles multicolores. Le rideau a été accroché de chaque côté de l'ouverture pour laisser le regard passer sur la grande pièce qui sert de boutique. Les deux jeunes femmes vêtues de robes attrayantes s'inclinent vers le massif Shaloar de derrière un comptoir.

Jérémiah s'est engouffré à droite. Au cours d'une dizaine de mètres, il a suivi le couloir et tourne à gauche.

De son pas assuré, le jeune pénètre dans la pièce des comptoirs.

C'est à cet endroit que le guerrier décide marquer une pause dans son trajet, histoire de laisser aux deux amis l'intimité de leur retrouvailles. C'est aussi un endroit ou le jeune décide de faire le beau Lionceau. Le casque est retiré pour libérer la crinière,  les gants sonts retirés ensuite, le tout est accrochés à la ceinture.

Ensuite, le massif guerrier lance un regard assuré aux demoiselles aux robes attrayantes tout en grondant

" Salut "

Puis, assuré mais beaucoup plus lentement, le sillon du maitre des routes est suivi. Afin de faire entendre son approche, le musculeux porteur d'arme fait tonner son pas sans exagération.

Les deux jeunes femmes se font souriantes et répondent immobiles :

"Bonjour.
- Bonjour"

Grage arrivent au tournant du couloir et peut voir la deuxième porte ouverte. Dans le bureau qui y fait suite, Jérémiah et Ssklekalac sont déjà assis. Le borgne se tourne vers le jeune Léodra et annonce :

"Et voici enfin Grage Niark."

Le Kerlèksèss hoche la tête et ajoute de sa voix aigüe accompagnée de faibles cliquètements :

"Entrez donc, fermez la porte et installez-vous."

Ssklekalac est assis dans son fauteuil de l'autre côté du bureau. Jérémiah s'est installé dans le fauteuil du milieu qui fait face. Les deux autres fauteuils pour les invités sont restés vides.

" Ssklekalac "

La posture du jeune, assuré, torse bombé contient une certaine fierté, celle d'avoir ramener le maitre des routes vivant. Et la levée de menton adressée à l'insectoîde en guise de salut, bien que respectueux, ne fait qu'appuyer cette fierté.

La porte est ensuite fermée et le shaloar va se placer derrière le siège de droite. Il reste debout, place ses mains sur le repose tête et regarde, tour à tour, les deux amis qui se font face.

Il est évident que le jeune, maintenant décontracté, se retient de parler. Ce qu'il a à dire semble être amusant, pour le massif blagueur tout du moins. D'ailleurs, pour s'aider à ne pas rigoler, l"homme lion laisse sa méfiance s'exprimer et observe la pièce à la recherche de détails.

Grage retrouve la même pièce que lors de sa précédente visite. Le bureau est toujours richement décoré, ornementé de plusieurs plumes et encriers de teintes différentes. De nombreux parchemins forment une pile dans un coin du plateau. Le fond de la pièce est entièrement occupé par des étagères, quasiment entièrement remplies par des ouvrages. Le reste des étagères est occupée par des statuettes de pierre, parfois rehaussées par des éclats de pierreries. Les murs sont couverts d'étoffes compliquées et principalement vertes.

Ssklekalac reprend la parole de sa voix fluette et cliquetante, en fixant le jeune Léodra de ses yeux à multiples facettes :

"Veuillez vous asseoir ou quitter la pièce, puisque vous ne semblez pas connaître les usages."

Attentif aux propos des les premiers sons perçus, le Shaloar est sincèrement dubitatif, sans se formaliser pour autant.

La consigne est donc appliquée et le jeune s'assied sur le fauteuil avant de se faire observateurs des deux amis.

Jérémiah a haussé brièvement un sourcil au terme de ce premier contact.

Dès que Grage est assis, il prend la parole aussitôt :

"Mon ami, il me semble que tu as déjà eu affaire à Grage Niark, nommé Sauveur de la Cité il y a peu.

Veuille pardonner quelques écarts de conduite due à son ignorance des manières de notre cité. Même si je le connais depuis peu, je lui dois déjà beaucoup. Et je gage qu'il ne sert pas d'autres intérêts néfastes à notre situation.

Aussi je te prie de converser avec lui de la même manière qu'avec moi."