Grage arrive à petites foulées épuisées dans l'enceinte.

Le Léodra opine lentement du chef suite aux propos entendus et s'accorde un léger silence pour bien mesurer les réactions avant de répondre.

" J'attends de vous l'expression de vos incompréhensions sur mes agissements, mes paroles ou autres. Le dialogue est un échange et j'estime que la moindre des choses est d'apprendre à m'ouvrir à vous.

Et si j'ai bien compris ton explication, Charina, une meute est donc un regroupement de Léodranis qui agissent ensemble sans forcément faire partie d'une cour. Donc, lors de notre première rencontre, avec vos deux sœurs, vous formiez une meute, c'est bien cela ? "

Attentif et posé, le jeune observe les réactions.

Charina hoche la tête.

"Oui. C'est bien cela."

La Léodrani fauve se tait un bref instant puis reprend la parole :

"Ce que tu attends de nous est... peu clair."

Sadriska observe tour à tour les deux interlocuteurs, n'ayant manifestement pas le désir de s'immiscer dans la conversation.

" Oui. "

Répond le jeune à sa favorite posément qui marque un silence à la recherche d'une autre formulation avant de reprendre posément

" Y a rien qui vous choque dans ce que je dis, dans ce que je fais, des points sur lesquels vous souhaitez des explications ? "

A nouveau, le jeune observe ses deux interlocutrices avec intérêt.

Charina répond aussitôt :

"Rien dans l'immédiat.

Ce qui nous choque, ce sont des comportements ou des paroles qui nous semblent hors de contexte. Et qui ne reçoivent que des explications sommaires, quand il y a des explications. Mais ceci est secondaire, il est fréquent qu'un Léodra ne se livre pas à ses Léodranis et se montre indélicat. Attention néanmoins à ne pas aller trop loin...

Ce que nous désirons, c'est savoir si tu vas nous former de façon à ce que nous développions les mêmes pouvoirs que toi."

Sadriska écoute attentivement puis hoche la tête de manière décidée.

Les Léodranis peuvent constater que, même si un effort est fait pour rester conviviale et agréable, le sérieux refait surfait surface dès que le sujet est abordé. C'est d'ailleurs ce qui conduit le guerrier spirituel à analyser son comportement et son ressenti avant de répondre posément, dans un esprit de sincèrité, le ton grave.

" Mon ressenti est ambigu. Je vais tenter de vous l'expliquer.

Votre désir n'est basé que sur la force et je ne partage pas cet unique désir que je comprends. J'ai bien dit que je le comprends. Servir une cause est bien plus important, à mes yeux, que ma petite personne. Mon raisonnement n'est pas celui de tout les guerriers spirituels.

Grâce à ce que l'on m'a raconté, je sais que j'ai du subir de nombreuses brimades pour des raisons liées à ma nature de prédateur dominant. Le bâton, le cachot, la privation de nourriture... Je dois reconnaître que si j'apprends que vous subissez ces brimades, je ne sais comment je réagirais. Mais je doute d'être en mesure de conserver mes moyens.

Quand à être votre instructeur, c'est à méditer car je ne serai par ou commencer. Pour cause, je ne me rappel plus par ou j'ai commencé. Sur ce, si des humains ont compris comment ouvrir une voix, je dois pouvoir le faire. C'est une question de temps. Et je manque de temps.

Vous devez aussi savoir que mon idole m'a choisi rapidement pour mon esprit de loyauté, pour me mettre à l'abri de mes ennemis qui sont d'une puissance difficilement égalable. Certains apprentis s’entraînent pendant plusieurs années, une vie durant pour d'autre, sans aucun résultats. C'est l'idole qui choisi, pas l'apprenti. "

Le shaloar s’arrête la, laissant le temps à ses auditrices de poser d'éventuelles questions et aussi pour s'assurer de la bonne compréhension des propos.

"Ha !... Je vois", se contente d'affirmer Charina. Alors que Sadriska a une mine perdue.

Après un instant de réflexion, la Léodrani fauve reprend la parole.

"Peut-être est-ce pour cela que des Mashras de Tradisgantia ont choisi de suivre le fauve ? Il doit être beaucoup plus aisé pour nous de nous rapprocher d'une telle idole, non ?"

Sadriska se reconcentre pour suivre les échanges.

Le discours de charina provoque une forme de déception. La recherche d'une idole ne se fait pas par voix de facilité pour le guerrier spirituel. Cependant, les Léodranis sont des baroudeuses qui connaissent les dangers et ont réussi à les affronter sans capacités particulières, ce qui atteste d'un potentiel intéressant. Et le mâle ne peut que leur donner raison de vouloir se protéger des dangers qu'elles connaissent.

La curiosité du jeune surpasse la légère déception et la suite des propos ne tarde pas à se faire entendre toujours posément. Cependant, reprendre la favorite semble nécessaire pour le guerrier spirituel.

" Fauve je te prie. Si tu ne marques pas le respect quand tu parles d'une idole, alors tu peux craindre son courroux, ou tout au mieux, son mépris. "

La diction marque bien le respect du. C'est ensuite, que la curiosité s'exprime :

" Ainsi, vous avez-entendu parler de Fauve. Tu en possèdes déjà certains traits pour ce que j'en perçois. Lors de quelle occasion en avez-vous entendu parler ? Et surtout, en quels termes ?

Car j'aimerais comprendre ce qui te fait croire qu'il est plus aisé de devenir l'élu d'une idole que d'une autre ? "

Charina hoche la tête lors de la première remarque :

"Soit !"

Elle écoute la suite et fronce les sourcils en marque de déplaisir. La Léodrani fauve se reprend rapidement et s'exprime avec calme et apaisement :

"J'en ai entendu parler par une de mes sœurs plus âgées qui était devenue une épouse de Kentarrak-le-Roux. Les termes étaient peu élogieux.

Et rien ne me fait croire que c'est plus aisé. C'était une question. J'éviterai de proposer une réponse à l'avenir."

La jeune Léodrani écoute la conversation avec attention. Son expression indique clairement qu'elle ne se sent pas suffisamment à l'aise pour participer.

Le prédateur souri en plissant les yeux, et croit percevoir que sa favorite à pris la mouche, ce qui amuse autant que cela déçoit. Cependant, le guerrier spirituel est convaincu que la fauve féline voit juste concernant le totem, mais qu'elle n'ose pas par habitude du respect des traditions. Par respect envers sa promise, le jeune décide d'insister comme pour offrir une nouvelle chance.

Le ton posé incite à la réflexion

" Et pourtant, ta question fait sens Charina. Pardon, je dois m'exprimer plus modérément. Pour moi, ta question fait sens et je la trouve pertinente. J'aimerais bien que tu mettes de côté ton orgueil un instant, et que tu tentes de trouver en quoi ta question fait sens ? Je t'ai même donné un indice sans le vouloir, tout à l'heure.

Je m'engage à te dire tout ce que je sais sur Fauve et ses serviteurs si tu t'approches de ce que je trouve pertinent. "

Et le jeune regarde sa favorite dans l'attente de ses réactions qui sont attendues et seront observées avec attention.

La Léodrani balafrée tique, puis se met à réfléchir. Au bout de quelques instants, elle dit :

"Ta question peut rechercher bon nombre de réponses possibles. Plutôt qu'essayer de jouer à tenter de deviner quelle est la réponse que tu attends, je vais te donner toutes celles qui me sont venues à l'esprit.

Tout d'abord, il y a la ressemblance entre l'idole et nous. Le Fauve semble la plus proche. Bien que je n'ai sans doute pas connaissance de toutes les idoles qui sont apparues depuis le Cataclysme... Toujours est-il que j'ai imaginé qu'il nous serait plus aisé de nous rapprocher d'un fauve que de toute autre sorte d'idole. Mais cela suppose que l'idole pense comme un fauve. Ce que je ne peux établir, Fauve pourrait simplement être un nom, une appellation et n'avoir que peu à voir avec sa vraie nature.

Ensuite, si nous tenons compte de la volonté de l'idole et que nous supposons que celle-ci transparaît dans son nom, cela fait une seconde opportunité de rapprochement plus aisé. Fauve indique une volonté aiguisée, un désir de prédation. Des qualités dont nous pouvons aisément faire preuve.

Enfin, si le nom d'une idole n'est qu'une appellation visant à camoufler la vraie nature de l'idole, là je fais fausse route. Fauve n'indique alors qu'un goût de l'idole pour ce type de nom. Ce qui ne m'apprend rien sur ses désirs ou sur le type d'adepte que cette idole attend."

Ensuite, elle se tait et fixe Grage avec attention.

Tout d'abord, la jeune Léodrani sombre écoute sa sœur aînée en écarquillant les yeux. Puis Sadriska se tasse sur elle-même, essayant de se faire oublier.

Le jeune n'est pas entièrement satisfait d'une réponse qu'il trouve généraliste sans aucune projection individuelle. Cependant, Charina dispose d'une grande qualité, la vision de la meute. Le jeune décide donc approfondir le sujet, toujours avec ce ton posé et invitant à la réflexion :

" Tes généralités sonnent juste à mes oreilles. Je ne suis pas serviteur de Fauve et, s'il se camoufle, je présume que c'est en entier quand le trépas est proche pour la proie.

Maintenant parle pour toi, Charina, et projette-toi seule.

Quelles sont tes différences entre une Mashrani et une Léodrani ? Entre un Mashra et un Léodra ?

D'après toi, que font les Mashras élus de Fauve avec cette force ? Que ferais-tu de la force de Fauve ?  

Quels sacrifices ou quelles règles doivent suivre les élus de Fauve ? Es-tu prêtes aux même sacrifices et à respecter ces règles ? "

A nouveau, le jeune observe le comportement de sa favorite a qui il vient d'être demandé de se projeter seule.

Charina écoute avec attention puis prend le temps de réfléchir. Ensuite elle prend la parole avec calme mais fermeté.

"Les différences entre une Mashrani et une Léodrani sont nombreuses. Les Mashranis sont d'ordinaire plus réservées et plus discrètes que les Léodranis. Elles ne se fient qu'aux membres de leur famille proche mais possèdent une obstination certaine pour ce qui leur importe. Et elles s'accaparent un mâle par femelle. Il est parait-il fréquent que les Mashras se battent pour obtenir une Mashrani, mais il arrive aussi que des Mashranis se battent pour le même mâle. Ce qui ne se produit jamais entre Léodranis.

Je suis incapable d'annoncer toutes les différences entre un Mashra et un Léodra. Elles sont trop nombreuses et certaines me sont sans doute inconnues. De plus, il est contraire à notre culture qu'une Léodrani s'intéresse de trop près aux particularités des Léodras.

Je n'ai aucune idée de ce que font les Mashras de la force procurée par Fauve. En ce qui me concerne, je ferai de sa force la même chose que je fais de ma propre force. Elle me servirait à chasser, à protéger ma cour et à porter assistance à mon mâle s'il le désire.

Je n'ai aucune idée des sacrifices ou des règles que suivent les élus de Fauve. Et je ne suis pas prête à accepter n'importe quoi."

Sadriska se redresse peu avant que Charina prenne la parole.

Elle hoche la tête approbativement et avec conviction lors de la première réponse.

Elle se montre un peu plus perdue lors de la seconde et rentre sa tête entre ses épaules.

Elle se hâte de soutenir Charina de plusieurs hochements de tête après la troisième réponse.

Elle penche la tête de côté, perdant un peu de temps dans sa réflexion, puis hoche approbativement avec retard après la dernière réponse.

Le Léodra, attentif à l'écoute, ne masque pas une satisfaction sertie d'une fierté lors de la troisième réponse. Le sourire s'élargie, le torse se bombe un peu, être avec deux Léodranis qui restent dévouées à leur mâle est vécu comme un bienfait pour celui qui découvre la vie de cours.

Grage prend le temps d'apaiser son désir désir d'aller embrasser ses compagnes et se laisse le temps de préparer sa réponse.

" Une partie de ta réponse me fait grandement plaisir. Devrais-je plutôt dire qu'elle m'honore ? Mais la flatterie, aussi délicieuse soit-elle quand elle vient de vous, ne me fera pas sortir du sujet cette fois ci. Je prends sur moi de vous mettre dans la confidence. "

Tout à tour, le jeune regarde ses deux Léodranis avec un franc sourire qui se veut aussi charmeur que satisfait avant de reprendre une expression calme avec un ton posé.

" J'ai senti un esprit de meute très prononcé dans tes premières réponses.

Sache que les Prédateurs Rugissants, car c'est ainsi que l'on appelle les élus de Fauve, n'ont pas de structure forte mais plutôt une organisation relâchée. Le terme d'implacables traqueurs est utilisés pour les désigner. Ils sont susceptibles et sans pardon. Ils vivent normalement pour la chasse et préfèrent le combat à mains nues, mais ils peuvent se dévouer à la protection de leur tanière.

Voila ce que je sais. J'en ai croisé à Tradisgantia.

Ils existent de nombreux autres Idoles. J'ai presque l'impression qu'il en existe une pour chaque chose. Si vous veniez à faire le choix de vouloir devenir l'élue d'une idole, j'y serai favorable et je vous soutiendrais dans votre choix tant que ce choix ne représente aucune menace pour Fort Braise, aucun risque pour mon combat, aucun risque pour ma cours et ma descendance.

Je vous demande donc de m'en référer avant de décider.

Je vous parlerais de mon Idole quand vous serez acceptées citoyennes de Fort Braise. Je vous laisse le soin de revenir vers moi à ce sujet quand vous aurez découvert la vie dans le cratère. "

Toujours dans l'observation, les réactions sont guettées.

Charina acquiesce.

"Cela me semble sensé.

Nous avons appris qu'il y a avait quatre ordres à Fort-Braise. Et je n'ai pas entendu parler de ces ordres-là à Tradisgantia. Il vaut sans doute mieux commencer par apprendre la vie à Fort-Braise et ensuite nous intéresser aux ordres de Fort-Braise.

Qu'en penses-tu, Sadriska ?"

Sadriska penche la tête de côté, passe quelques courts instants à réfléchir puis hoche approbativement la tête en souriant vers la Léodrani fauve.

Puis elle se jette sur Grage pour l'enlacer et coller le côté de son museau contre son torse.

Le Shaloar opine lentement du chef pour marquer son approbation suite aux propos de la fauve. L'assaut de la jeune féline est accueilli avec un franc sourire et les mains du mâle se montrent accueillante et actives.

" Le plus important, pour l'instant, c'est d'remplir ce bout d'papier, d’arrêter de penser en terme de race ou sous race, tout en restant vous-même.

Ensuite, une fois papier et grotte réglé j'irais me promener plus ou moins longtemps à l'extérieur pour tenter de trouver un repaire à Gibier. "

Le sourire malicieux du prédateur se dessine à l'évocation du sujet

" Le gibier est malin. Je ne sais pas encore ou se cachent les troupeaux. Mais j'ai bien l'intention de trouver. Avez-vous des questions ? "

Sadriska reste lovée contre le plastron de Grage, l'enserrant de ses bras, et se met à ronronner. Elle semble peu décidée à bouger...

Charina a alors un sourire amusé.

"Il nous reste alors à retrouver où Sadriska a déposé les papiers..."

Puis elle réagit aux dernières phrases de Grage en faisant remarquer :

"Les troupeaux se cachent à l'abri des précipitations. Dans les montagnes, cela signifie qu'il faut chercher dans les grottes. Le problème est que le gibier est regroupé et sous la protection des mâles. Il faut réussir à surprendre le gibier pendant son sommeil."

" Ou assommer les mâles. "

répond le Léodra d'une boutade amusé. Puis il reprend plus sérieux

" Il doit y avoir d'autres endroits que de simples grottes. Le gibier ne fait pas que se cacher. Il doit aussi se nourrir. Par les grands froid et les grandes tempêtes, leur nourriture ne se trouve pas à l'extérieur. Ils doit y avoir des repères naturels pour le gibier. C'est ça que je cherche. Ça doit être beau à voir, et utile pour se nourrir.

Et ma première chasse commence maintenant ! "

Grage capture la jeune féline, la coince de sa masse et commence à arpenter son corps de chatouilles avec les mains ou avec les crocs tout en grondant amusé, prenant de ne pas lui faire mal.

" Ma chasse de papiers !   Ou sont les papiers ! "

"En fait, non", réplique Charina, la mine blasée.

"Le gibier est entré dans son mode hivernal. Il cherche des endroits où sommeiller. Certains ont déjà commencé à dormir. La chasse pourrait paraître plus facile quand on sait où trouver leurs refuges. Mais les mâles protecteurs se réveillent facilement."

Sadriska se débat de toutes ses forces - hélas insuffisantes - et pousse des grognements assourdis par son manque de voix. Elle lutte, visiblement amusée, même si Grage a le dessus avec quelques efforts.

" Ils dorment ?!? "

répond la Shaloar étonné qui, lui aussi, prend plaisir au jeu des chatouilles, toujours en faisant attention de ne pas faire de mal.

" Ils vont finir congeler s'ils ne bougent pas, non ? "

Grage est prêt à cesser son jeu si la féline au pelage nuit montre des signes de lassitude.